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VISCONTI LUCHINO (1906-1976)

Une œuvre habitée

<em>Dommage qu'elle soit une putain</em> de J. Ford, mise en scène de Luchino Visconti - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Dommage qu'elle soit une putain de J. Ford, mise en scène de Luchino Visconti

Visconti déploie son talent dans des domaines différents, proche en cela de Cocteau auquel il doit beaucoup (il suffit de voir L'Aigle à deux têtes). À la scène, son activité s'est développée de 1945 (Les Parents terribles de Jean Cocteau) à 1973 (C'était hier de Harold Pinter) pour le théâtre parlé, et de 1954 (La Vestale de Spontini) à 1973 (Manon Lescaut de Puccini) pour le théâtre lyrique. La Traviata de 1955 avec Maria Callas est restée célèbre, tout comme La Locandiera de Goldoni en 1952 et Oncle Vania de Tchekhov en 1955. Entre 1945 et 1960, Visconti a mis en scène trente-sept pièces de théâtre, deux ballets et huit opéras (par la suite, le rythme se ralentit). Il est également l'auteur de textes généraux sur le cinéma et de quelques tentatives littéraires : outre des fragments de journaux intimes, la nouvelle intitulée Le Chapeau de paille parue en 1942 dans Il Corriere padano (seule fiction non cinématographique éditée par Visconti) ou la centaine de pages portant le titre Roman d'Angelo. Visconti entreprit, probablement pendant les années 1930, sa rédaction restée inachevée. Ce récit abandonné ne fut publié qu'en 1993. Sans doute le moment était-il venu de satisfaire ceux qui s'intéressent à l'œuvre viscontienne dans tous ses aspects. Toutefois, les mises en scène d'opéra ou de théâtre, les créations de ballets n'existent plus qu'à travers les enregistrements, les discours écrits ou oraux de ceux qui en furent les spectateurs ou les acteurs, les photographies, les maquettes de décors ou de costumes précieusement conservés. Les films, eux, demeurent sous une forme qui leur permet sans cesse de renaître. Certains d'entre eux cependant n'ont guère été vus (L'Étranger, 1967, par exemple, restauré en 1999), ou ont été longtemps considérés comme disparus (le court métrage intitulé Notes sur un fait divers, 1951, dont la modernité préfigure Antonioni comme Pasolini). Les courts et moyens métrages sont rarement pris en considération, qu'il s'agisse de Nous les femmes (1953) ou de La Sorcière brûlée vive (1967), l'un et l'autre énigmatiques.

Loin des nécessités de la narration auxquelles il ne renonce pas, Visconti reste, au long de sa vie, attaché à certains sujets, même s'ils furent abandonnés ou toujours différés. Pendant une vingtaine d'années, il en va ainsi des récits de Giovanni Verga dont il a fait plusieurs adaptations, et dont on trouve l'écho dans La terre tremble qui ne s'inspire pas seulement des Malavoglia mais aussi d'autres œuvres de l'écrivain sicilien. Ses lectures de Marcel Proust ou de Thomas Mann l'accompagnent, au point qu'il n'a renoncé à l'idée de réaliser À la recherche du temps perdu qu'après la maladie qui le frappe en 1972, et que, dans ses derniers entretiens, il caresse encore l'espoir de réaliser La Montagne magique. Il ne faut pas voir là simplement le partage habituel entre projets et réalisations d'un cinéaste soumis aux aléas des productions. La fameuse trilogie sicilienne qui devait s'organiser autour de l'épisode de La terre tremble finira par exister à la faveur de films distincts, Le Guépard et Rocco et ses frères (1960), ne se raccordant qu'imparfaitement entre eux en raison des déplacements temporels et spatiaux. Par ailleurs, la scénariste Suso Cecchi D'Amico parle des deux films « allemands » auxquels elle n'a pas collaboré, tandis que, après Ludwig, le cinéaste nourrissait l'idée d'une « tétralogie allemande » qui aurait compté, outre les trois films réalisés (Les Damnés, 1969 ; Mort à Venise, 1971 ; Ludwig, ou le Crépuscule des dieux, 1972), l'adaptation du roman de Mann.

Les sujets abandonnés ne sont pas totalement absents des réalisations concrètes.[...]

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Luchino Visconti et Romy Schneider - crédits : Farabola/ Leemage/ Bridgeman Images

Luchino Visconti et Romy Schneider

<em>Le Guépard</em>, L. Visconti - crédits :  Titanus/ Pathé Cinéma/ SGC/ Screen Prod/ Photononstop

Le Guépard, L. Visconti

Burt Lancaster dans <it>Le Guépard</it>, de L. Visconti, 1963 - crédits : Keystone/ Moviepix/ Getty Images

Burt Lancaster dans Le Guépard, de L. Visconti, 1963

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