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VISCONTI LUCHINO (1906-1976)

« Copier le vrai, c'est peut-être une bonne chose, mais inventer le vrai, c'est mieux, c'est beaucoup mieux » Verdi

La notion de réalisme est une question centrale chez Visconti, mais elle est formulée chez lui de façon complexe. Renoir disait en 1954 : « Il m'est difficile de faire la différence entre le rêve et la réalité. » Plus tard, il allait réaffirmer sa méfiance à l'égard de la notion de réalisme : « Moins improvisé, moins intuitif, tel se présentera, je le présume, le film de demain. Mais pour arriver à cette nouvelle forme d'expression, il faudra éviter un grand danger : celui de l'idée actuelle que nous nous faisons du réalisme, c'est-à-dire la foi dans la représentation cinématographique d'une réalité pêchée au hasard. Vouloir „faire vrai“ est une erreur colossale ; l'art doit être artificiel et constamment recréer. C'est cette facilité de recréation qui était la raison d'être du cinéma et, en l'oubliant, il se perd lui-même. » Pour Les Nuits blanches, l'opérateur Giuseppe Rotunno rappelle le propos de Visconti pour qui « le film devrait être vrai ; mais au moment où le public a la sensation qu'il est vrai, il doit sentir qu'il est faux. Et au moment où il a la sensation qu'il est faux, il doit sentir qu'il est vrai ». C'est pourquoi « tout fut fait de façon très artificielle, en studio, pluie, neige, vent, brume, tout fut fait avec la lumière. Avec des voiles qui recueillaient la lumière, et que je commandais [...] créant des parcours [...] où disparaissaient les personnages ». Dans cette volonté d'indétermination, l'emploi du tulle joue un rôle particulier au cinéma comme au théâtre. Le décor de Deux sur la balançoire (de William Gibson, adapté par Louise de Vilmorin) imaginé par Visconti pour le théâtre des Ambassadeurs à Paris, en 1958, l'utilise à nouveau pour représenter la ville de New York. Ces kilomètres de voile transformaient presque à vue l'atmosphère du studio no 5 de Cinecittà, où furent tournées Les Nuits blanches. Avec ses labyrinthes de gaze, la matière du film favorise les effets d'osmose tout en laissant flotter l'impression d'une séparation invisible entre les décors, entre les personnages qui semblent procéder par dédoublements (la prostituée inventée par Visconti est le double réaliste de la jeune héroïne). Une continuité sensible est instaurée à la faveur de ces différents glissements qui sont de l'ordre de la condensation onirique. L'esthétique de Visconti retrouve ici celle de Max Ophüls qui, dans Lola Montès (1955), fait grand usage du tulle.

André Bazin notait que Visconti avait ennobli les pêcheurs de La terre tremble : « Les pêcheurs de Visconti sont de vrais pêcheurs, mais ils ont la démarche des princes de tragédie ou des héros d'opéra, et la dignité de la photographie prête à leurs haillons l'aristocratie d'un brocart de la Renaissance. » Au-delà du sens manifeste, le propos de Bazin prend acte de la complexité du monde créé par le metteur en scène. L'univers aristocratique n'y est pas simplement évoqué puisque, selon le critique français, les « princes » sont dédoublés en personnages de « tragédie » ou en « héros d'opéra » et que le temps y est lui-même dédoublé par référence à la Renaissance. Ces démultiplications instaurent un mouvement particulier des images, ce qu'on peut caractériser comme une ressemblance lointaine. La création viscontienne fait sans cesse naître des écartèlements entre « images de rappel » et « images d'appel » pour reprendre une opposition de Henri Maldiney, selon qui « les premières nous reconduisent aux évidences familières du bien connu, tandis que les secondes nous en délient et nous emportent au loin dans l'inconnu d'un autre Ouvert ». Le spectateur viscontien se meut à l'intérieur de ces diverses sollicitations.[...]

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Luchino Visconti et Romy Schneider - crédits : Farabola/ Leemage/ Bridgeman Images

Luchino Visconti et Romy Schneider

<em>Le Guépard</em>, L. Visconti - crédits :  Titanus/ Pathé Cinéma/ SGC/ Screen Prod/ Photononstop

Le Guépard, L. Visconti

Burt Lancaster dans <it>Le Guépard</it>, de L. Visconti, 1963 - crédits : Keystone/ Moviepix/ Getty Images

Burt Lancaster dans Le Guépard, de L. Visconti, 1963

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