BOSÈ LUCIA (1931-2020)
Issue d’une famille pauvre de fermiers de Lombardie, Lucia Bosè est née Lucia Borloni le 28 janvier 1931 à Milan. En 1946, Luchino Visconti, entrant dans la célèbre pâtisserie Galli de la via Victor Hugo à Milan, est frappé par la beauté extraordinaire d’une vendeuse anonyme. Comme celle d’Alain Delon, de Claudia Cardinale ou de Helmut Berger, cette perfection physique retient l’attention du cinéaste. Un an plus tard, malgré l’avis de son père, Lucia Bosè devient Miss Italie, devant ses concurrentes Gianna Maria Canale et Gina Lollobrigida. Les cheveux courts de la jeune femme, qui débutera bientôt au cinéma, et la pureté séraphique de son visage évoquent Louise Brooks ; une autre actrice, Ingrid Bergman, au port aristocratique renforcé par une haute taille, lui ressemble. Cette distinction naturelle qu’avait remarquée Visconti illumine la jeune fille.
Si la carrière de comédienne de Lucia Bosè n’a jamais vraiment cessé, ce n’est que dans les années 1950 qu’elle est significative. À la fascination que ne manque jamais de faire naître son physique s’ajoute une sobriété de jeu élégante, peu variée sans doute mais toujours raffinée, dans le drame comme dans la comédie. Une autre beauté altière, Silvana Mangano, qui sera plus tard associée au cinéma de Visconti, lui avait ravi le rôle principal de Riz amer, de Giuseppe De Santis, en 1949. C’est donc dans Pâques sanglantes(1950), de ce même réalisateur, qu’on la voit interpréter son premier rôle, celui d’une paysanne ciociara (c’est-à-dire de la région de Frosinone). Entre drame social et tragédie antique stylisée, elle confirme qu’elle est plus qu'une simple lauréate de concours. Deux ans plus tard, De Santis lui confie un rôle plus discret, et dans lequel elle se montre parfaite, parmi les dactylos victimes de la catastrophe romaine décrite dans Onze heures sonnaient. Le débutant Michelangelo Antonioni l’appelle, pour Chronique d’un amour (1950), où elle incarne une grande bourgeoise milanaise, puis pour La Dame sans camélia (1953), où elle campe une vendeuse devenue actrice… Pour le premier de ces deux films, Antonioni avait espéré une autre actrice à la beauté parfaite, Gene Tierney, mais inaccessible à un cinéaste inconnu. Pourtant, Lucia Bosè impose son jeu, dans la fantaisie et l’humour, ici comme ailleurs, et par exemple dans deux films délicieux et méconnus de Luciano Emmer, Paris est toujours Paris (1951) – où elle brille au côté d’un très jeune Marcello Mastroianni – et Les Fiancés de Rome (1952), où elle est à nouveau une jeune fille anonyme devenue mannequin célèbre. L’année 1955 sera doublement espagnole puisqu’elle est la protagoniste de Mort d’un cycliste(Juan Antonio Bardem) et qu’elle rencontre le torero Luis Miguel Dominguín qui vient de se séparer d’Ava Gardner. Sans fausse pudeur, Lucia Bosè racontera l’amour puissant qui la liait à ce macho infidèle et fascinant. Après ce mariage, ses apparitions au cinéma se font discrètes. On notera ainsi un petit rôle dans Le Testament d’Orphée(1960),de Jean Cocteau, et un autre, plus important, dans un film mineur des frères Taviani (Sous le signe du scorpion, 1969). D’autres participations furtives, avec parfois de très grands auteurs (Fellini, Bolognini, Duras, Rosi) marqueront la carrière ultérieure de cette petite paysanne lombarde devenue une grande dame espagnole.
Victime de l’épidémie de Covid-19, Lucia Bosè est morte à Ségovie le 23 mars 2020.
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Écrit par
- René MARX : critique de cinéma
Classification
Média
Autres références
-
ANTONIONI MICHELANGELO (1912-2007)
- Écrit par Paul Louis THIRARD
- 2 262 mots
- 2 médias
... fort anglo-saxon. Il nous est possible de distinguer avec l'éloignement combien est grande la postérité de Chronique d'un amour. Si, en effet, Lucia Bosè, qui interprète l'héroïne du film, ne peut nier sa dette à l'égard de la Louise Brooks des films de Pabst, elle a, à son tour, inspiré l'héroïne...