AUBRAC LUCIE (1912-2007)
« Lumière rayonnante de la Résistance » : en définissant ainsi Lucie Aubrac, le président de la République Jacques Chirac a illustré la force en marche qu'a été, dans la clandestinité en France puis à Londres, cette agrégée de l'université, cofondatrice du mouvement Libération. Disparue à quatre-vingt-quatorze ans, le 14 mars 2007, cette dignitaire de la Légion d'honneur, grand-croix de l'Ordre du mérite, avait été la première femme déléguée à l'Assemblée consultative provisoire.
Issue d'une famille de vignerons bourguignons, Lucie Bernard naît le 29 juin 1912, à Paris, où son père est jardinier. Reçue à l'école normale d'institutrice, elle refuse ce « couvent laïc » et choisit de travailler pour payer ses études. Elle réussit son baccalauréat et milite aux Jeunesses communistes, dont elle vend le journal L'Avant-Garde ; en 1938, elle obtient son agrégation d'histoire et de géographie et part enseigner à Strasbourg.
Mariée à l'ingénieur civil des Ponts et Chaussées Raymond Samuel, en décembre 1939, elle renonce à une bourse d'études américaine pour devenir professeur à Lyon à l'automne de 1940.
C'est à cette époque qu'elle rencontre le journaliste Emmanuel d'Astier de La Vigerie ; avec le philosophe Jean Cavaillès et le fondateur de la Ligue contre l'antisémitisme Georges Zérapha, elle fait partie du petit groupe clandestin appelé La Dernière Colonne, qui donnera naissance à Libération, l'un des trois grands mouvements de résistance de la zone libre – avec Combat et Franc-Tireur.
Son goût de l'action en commandos trouve tout son sens en octobre 1943 : enceinte de sa première fille, elle participe à l'attaque d'un fourgon et libère quatorze résistants dont son mari. Chef d'état-major de l'Armée secrète, celui-ci avait été arrêté à Caluire, en juin, par la Gestapo, dans une réunion qui devait sceller le destin de Jean Moulin, délégué clandestin du général de Gaulle, torturé puis déclaré mort le 8 juillet 1943.
Avant même que la propagande alliée ne transforme cette action d'éclat en bande dessinée, Lucie to the Rescue, Maurice Schumann salue cette héroïne, qui est arrivée à Londres en février 1944 (juste avant son deuxième accouchement), sur les ondes de la B.B.C. : elle se bat pour sa terre et « pour la dignité des siècles qu'elle avait mission d'enseigner ».
Le 20 avril 1944, dans l'émission radiophonique Les Français parlent aux Français, Lucie Aubrac évoque « la grande solidarité des femmes de France [pour les enfants juifs ou de patriotes] sauvés des trains qui emmènent leurs parents vers les grands cimetières d'Allemagne et de Pologne ». Elle explique que, « dans la grande armée sans uniforme du peuple français, la mobilisation des femmes les place à tous les échelons de la lutte : dactylos, messagères, agents de liaison, volontaires même dans les rangs des Groupes francs et des Francs-Tireurs, patiemment, modestement, les femmes de France mènent le dur combat quotidien ».
À la Libération, les époux Samuel adoptent définitivement le nom d'Aubrac, l'un des pseudonymes de Raymond. Pendant que son mari est commissaire de la République à Marseille, Lucie Aubrac siège à l'Assemblée consultative provisoire, puis reprend son métier d'enseignante. Engagée dans les combats de la décolonisation, elle héberge, en 1946, le dirigeant vietnamien Hô Chi Minh. Puis elle enseigne l'histoire au Maroc et y dialogue avec l'indépendantiste Mehdi Ben Barka, lui expliquant que sa femme doit avoir les mêmes droits que lui. Lucie Aubrac achève sa carrière au lycée français de Rome alors que son mari exerce des fonctions de direction dans l'Organisation mondiale pour l'agriculture (F.A.O.).
En 1984, les éditions du Seuil[...]
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Écrit par
- Charles-Louis FOULON : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)
Classification
Autres références
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AUBRAC RAYMOND (1914-2012)
- Écrit par Charles-Louis FOULON
- 951 mots
- 1 média
Résistant héroïque, co-fondateur du mouvement Libération, Raymond Aubrac était le dernier survivant des arrestations de Caluire qui scellèrent tragiquement, en juin 1943, le sort de Jean Moulin. Dès le 15 septembre 1944, à Marseille, Charles de Gaulle avait rendu hommage à son compagnon...
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