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BONNAFÉ LUCIEN (1912-2003)

Psychiatre français, Lucien Bonnafé est né en 1912 à Figeac (Lot), dans une famille de médecins. Son grand-père, médecin aliéniste, avait dirigé l'asile de Saint-Alban, en Haute-Lozère. Jeune étudiant en médecine, il fait souvent la navette entre Toulouse, où il anime un ciné-club, et Paris, où il est attiré par les milieux surréalistes. Devenu médecin en 1930, il s'oriente vers la psychiatrie. Il milite aussi contre les ligues d'extrême droite. Dénoncé pour avoir participé à une manifestation en 1934, il est condamné pour coups et blessures. Il s'inscrit peu après au Parti communiste, tout en résistant à l'émissaire de la direction parisienne qui accusait son groupe de « déviation surréaliste ».

Engagé dans la Résistance en région parisienne dès 1941, il est recherché par la police et doit abandonner son travail à Saint-Anne pour passer en zone non occupée à la fin de 1942. Il est alors nommé directeur à la suite de Paul Balvet à l'hôpital psychiatrique de Saint-Alban. Déjà engagé dans la résistance armée contre l'occupant, il poursuit ses activités en y associant deux autres formes de résistance, une résistance à l'inhumanité asilaire avec le psychiatre François Tosquelles et la résistance poétique avec Paul Eluard, qui s'était réfugié dans cet hôpital. Lucien Bonnafé fera de certaines formules d'Eluard les références permanentes de son action. C'est encore à Saint-Alban qu'il rencontre Georges Canguilhem en 1944, avec qui il luttera contre toutes les formes d'obscurantisme et s'interrogera sur les limites entre le normal et le pathologique. Il est aussi proche de Gaston Bachelard dans sa méfiance à l'égard de toutes les formules absolues qui servent de verrous au conformisme : « Les connaissances longuement amassées, patiemment juxtaposées, avaricieusement conservées, sont suspectes ; elles portent le mauvais signe de la prudence, du conformisme, de la constance, de la lenteur. »

À la Libération, il exerce des responsabilités au ministère de la Santé, auprès du ministre Ambroise Croizat. Au colloque de Bonneval sur l'inconscient organisé par Henri Ey en 1946, où se retrouvent psychiatres et psychanalystes, il présente une communication qui annonce la politique de secteur en psychiatrie. Dans les années 1950 et 1960, il fera partie de ce petit groupe de médecins pionniers de la « psychothérapie institutionnelle », réunis autour de George Daumézon et de Marie-Rose Mamelet, partisans d'une ouverture des hôpitaux psychiatriques, qui encouragent leurs collègues et les équipes soignantes à développer les soins en dispensaire de consultations externes, à tisser des liens forts avec les représentants de la population et à briser l'image d'irréversibilité et d'incurabilité de la maladie mentale.

Nommé chef de service à l'hôpital de Sotteville-lès-Rouen en 1947, il réorganise complètement l'établissement avec son collègue Hubert Mignot, introduit la notion de « collectif soignant », enseigne aux infirmiers des techniques d'observation et multiplie les stages dans les Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active (CEMEA). La future organisation de la psychiatrie en secteurs de population se dessine à travers cette activité et cet enseignement.

En 1958, il est nommé médecin chef de service à l'hôpital psychiatrique de Perray-Vaucluse dans la banlieue sud de Paris. Enfin, il prend la responsabilité d'organiser à Corbeil-Essonnes la sectorisation sans lits d'hospitalisation, en connexion avec les services de l'hôpital d'Étampes et l'équipe de pédopsychiatrie de son ami Tony Lainé. Il y montera une structure pilote, intégrée à l'hôpital général au terme d'une longue période d'implantation préalable. Lucien Bonnafé prend sa retraite en 1973. Il meurt le 16 mars 2003.[...]

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Écrit par

  • : médecin, ancien maître de conférences de psychopathologie

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