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LUCIEN DE SAMOSATE (120 env.-apr. 180)

Incarnation, résumé ou déclin de l'hellénisme, l'œuvre de Lucien n'en demeure pas moins, sous le règne des Antonins, une démarche créatrice. On a de quoi s'étonner : cette œuvre, en effet, si solidement enracinée dans le passé, conserve encore vivace, depuis dix-huit siècles, sa grâce, sa verve satirique et sa finesse.

D'une certaine façon, Lucien lie ses maîtres (Aristophane, Platon, Ménippe) à ses disciples (de Rabelais à Paul-Louis Courier), comme il lie la sophistique au dialogue et la satire au pamphlet. Sceptique, anticonformiste, l'esprit railleur, faisant parler les morts pour les humilier, eux et les vivants, cet « outsider » domine son siècle en le persiflant, et, malgré ses enfers artificiels, il ne perd rien de son sens du réel.

Un Barbare devenu grec

On ne connaît la vie de Lucien que par un petit nombre de renseignements contenu çà et là, dans ses écrits. D'humble famille, né à Samosate en Syrie, ce grand styliste de la langue attique parla d'abord syrien. Destiné tout jeune à un travail manuel chez son oncle, fabricant de statuettes, il s'enfuit de l'atelier, dès le premier jour de son apprentissage, châtié rudement pour une maladresse. La même nuit, nous dit-il, la Culture, apparue en rêve, le persuada de la suivre (Le Songe, Περὶ του̃ ἐνυπνίου). Il apprit le grec et acheva son éducation dans les écoles de rhétorique d'Ionie ; vers sa vingtième année, le jeune Barbare était devenu un Grec cultivé (Double Accusation, Δὶς κατηγορούμενος).

À en croire la Souda, il fut avocat à Antioche. Mais sa nature de fantaisiste, d'artiste, voire d'aventurier, s'accommodait mal, apparemment, de la vie du barreau. C'est vers l'an 150 qu'il se mit à voyager. En sophiste itinérant, il parcourut le monde romain, de l'Asie Mineure à la Gaule. Dans ce dernier pays, il obtint un poste de professeur de rhétorique très bien rémunéré (Apologie, Ἀπολογία). « Mais ces avantages ne le retinrent pas fort longtemps : il était trop grec désormais pour vivre longtemps loin de la Grèce » (M. Croiset).

Vers l'an 160, Lucien s'établit à Athènes. C'est le grand tournant de sa vie. Abandonnant la sophistique et les tribunaux, devenu pamphlétaire, il se consacre au genre auquel il doit sa goire : le dialogue satirique. Il y raille hommes et dieux, il se moque des rhéteurs à la mode, des philosophes et des charlatans ; ainsi assure-t-il sa célébrité, se faisant de plus en plus d'ennemis. Vers 165, Lucien, qui avait entre-temps effectué un voyage en Orient (162-165), se remet à voyager, de nouveau sophiste ambulant. Mais bientôt il capitule : celui qui naguère vilipendait les emplois stables et bien payés (Sur ceux qui se font salarier, Περὶ τω̃ν ἐπὶ μισθω̃ συνόντων) n'hésita pas à occuper une haute fonction administrative en Égypte (vers 170). C'est dans ce pays qu'il mourut, probablement vers la fin du règne de Commode.

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Écrit par

  • : professeur de littérature néo-hellénique à l'université de Salonique

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