GAUDIN LUCIEN (1886-1934)
Considéré comme le meilleur escrimeur français du début du xxe siècle, Lucien Gaudin remporta quatre médailles d'or et trois médailles d'argent aux jeux Olympiques. Pourtant, victime des circonstances et d'une déveine tenace, il dut attendre 1928 pour s'adjuger enfin une médaille d'or à titre individuel aux Jeux : il était alors âgé de quarante-deux ans. Éclectique, il brillait au fleuret comme à l'épée, réconciliant les adeptes de deux armes aussi dissemblables. Avec Gaudin, l'escrime changeait de statut : ce sport se transformait en art. Généreux, il faisait don de tous ses prix ; homme entier, il n'hésitait pas à se battre en duel si son honneur se voyait mis en cause par quelque gredin.
Lucien Gaudin est né le 27 septembre 1886 à Arras (Pas-de-Calais). Son père, militaire, est un escrimeur de bon niveau et il initie son fils à divers sports : l'escrime, l'équitation, le tennis, la natation... Le jeune garçon effectue sa scolarité au lycée Carnot, à Paris, et s'oriente définitivement vers l'escrime pour ce qui est de la pratique sportive. Champion de France amateur de fleuret en 1904, il se fait connaître l'année suivante en remportant le Championnat international d'épée organisé dans le cadre de la Grande Semaine des Tuileries. En 1906, il bat le meilleur escrimeur français de l'époque, Georges Dillon-Kavanagh, qui avait remporté cette année-là trois médailles aux « Jeux intercalaires » d'Athènes.
Lucien Gaudin devra pourtant attendre plusieurs années pour pouvoir défendre ses chances aux jeux Olympiques : en 1908, il effectue ses obligations militaires et, de ce fait, il ne peut pas participer aux Jeux de Londres ; en 1912, la Fédération française d'escrime, en désaccord sur un point de règlement, décide qu'aucun Français ne se présentera aux Jeux de Stockholm ; la Première Guerre mondiale provoque l'annulation des Jeux prévus en 1916 à Berlin. À la fin de 1918, Lucien Gaudin, vainqueur de la première compétition internationale de l'après-guerre, se voit décerner le titre de « champion hors classe » de fleuret par la Fédération internationale, qui le considère alors comme le plus grand champion de son temps. En 1920, il peut enfin participer aux Jeux, à Anvers. Il a déjà trente-quatre ans et ce premier rendez-vous olympique tourne au fiasco : il se blesse durant la compétition d'épée par équipes et doit renoncer à disputer toutes les épreuves auxquelles il devait participer.
Touché dans son amour-propre, Gaudin veut prouver qu'il demeure le meilleur escrimeur du monde. Après avoir remporté en 1921 le premier Championnat d'Europe d'épée, il défie au fleuret, le 30 janvier 1922, Aldo Nadi, qui, avec son frère Nedo, a dominé les compétitions aux Jeux d'Anvers : ce match de gala organisé au Cirque de Paris constitue un grand événement – il est qualifié de « match du siècle » par la presse, à l'instar de certains championnats de boxe de l'époque –, car il s'agit de régler la célèbre rivalité entre les écoles française et italienne ; devant un public nombreux (sept mille spectateurs) et enthousiaste, Gaudin bat nettement Nadi (20 touches à 11).
En 1924, aux Jeux de Paris, Lucien Gaudin, qui ne semble pas handicapé par le poids des ans, se trouve au sommet de son art à trente-huit ans. Il se montre impérial dans la compétition de fleuret par équipes : il remporte ses 22 assauts, porte 100 touches et n'en reçoit que 21 ; il obtient enfin une médaille d'or olympique. Mais le sort s'acharne : victime d'une névrite qui paralyse sa main gauche, il doit déclarer forfait pour la compétition individuelle. Rétabli, il participe à la difficile victoire de la France face à l'Italie dans l'épreuve d'épée par équipes (8 victoires partout, 21 touches données, 20 reçues). Mais la[...]
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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