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LABERTHONNIÈRE LUCIEN (1860-1932)

Philosophe et théologien, engagé avec hardiesse dans les débats de la pensée religieuse en France au début du xxe siècle. Né à Chazelet (Indre), Lucien Laberthonnière fait ses études au grand séminaire de Bourges, où s'ébauchent certains thèmes de sa pensée philosophique ; il entre à l'Oratoire en 1886, et enseigne la philosophie au collège de Juilly de 1887 à 1896. En 1894 commence sa relation avec Maurice Blondel, prélude à une longue amitié et à une abondante correspondance, qui se prolongera jusqu'en 1928. Il est nommé directeur de l'école Massillon (1897-1900), puis du collège de Juilly (1900-1903). Libéré de ses responsabilités scolaires par la loi sur les congrégations (1903), il s'installe à Paris, rue Las Cases.

Laberthonnière publie en 1903 ses Essais de philosophie religieuse, recueil d'articles antérieurs, notamment « Le Problème religieux » (1897), « Le Dogmatisme moral » (1898), « Théorie de l'éducation » (1901). En 1904, il fait paraître Le Réalisme chrétien et l'idéalisme grec. En 1905, il fonde une association d'études religieuses et devient membre titulaire de la Société française de philosophie. La même année, il prend la direction des Annales de philosophie chrétienne, où il publie plusieurs études (par exemple, « Dogme et théologie »). Il tente alors de renouveler la problématique et les solutions de maintes questions qui se situent à la charnière de la raison et de la foi.

La hardiesse de sa pensée lui vaut, en 1906, la censure romaine pour les Essais et pour Le Réalisme chrétien. Ses attaques efficaces contre L'Action française, notamment dans Positivisme et catholicisme (1911), soulèvent contre lui les courants intégristes. Dénoncée au Saint-Office, la série des Annales qu'il a dirigée (1905-1913) est condamnée en 1913. Peu après, il reçoit de Rome l'interdiction de publier. On lui laisse néanmoins la faculté de parler.

Ami du pasteur Bœgner (depuis 1912) et bientôt du Dr Nathan Söderblom (archevêque luthérien d'Uppsala), il participe après la guerre à plusieurs réunions œcuméniques privées. Il aide le père Sanson, de l'Oratoire, dans la préparation de ses carêmes de 1925, de 1926 et de 1927 à Notre-Dame de Paris, au point que toutes les conférences — sauf les deux premières — sont de sa plume. Elles ont un immense retentissement, mais elles sont dénoncées à Rome pour leur doctrine, et le père Sanson est obligé de quitter la chaire de Notre-Dame.

Après la mort de Laberthonnière, un de ses plus fidèles amis, L. Canet, longtemps conseiller technique pour les affaires religieuses au ministère des Affaires étrangères, assurera la publication posthume d'une partie des manuscrits que l'oratorien n'a cessé d'entasser après sa condamnation.

La pensée de Laberthonnière, où l'on reconnaît l'influence de saint Augustin, de Pascal, de Maine de Biran, de Blondel, se définit à bon droit comme un « personnalisme chrétien », fondé sur ce qu'il appelle lui-même la « métaphysique de la charité ». Les individus, en effet — avec leur exigence d'autonomie et leur aspiration à la communion —, sont la réalité par excellence et ont leur raison d'être dans la générosité créatrice de Dieu, qui est la racine dernière de leur unité. L'affirmation de l'être est en nous indissolublement intelligence et volonté et prend nécessairement, dans son rapport à l'Absolu et aux autres êtres, un caractère moral où toute une foi, fût-elle athée, se trouve engagée. C'est là le sens du « dogmatisme moral » de Laberthonnière. Le christianisme représente à ses yeux la solution authentique du problème philosophique lui-même, en tant que problème de l'existence. C'est à partir de ces conceptions qu'il a critiqué âprement le thomisme. Les jugements contradictoires dont il a été l'objet sont un signe de l'originalité de sa position.[...]

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