CINNA LUCIUS CORNELIUS (mort en 84 av. J.-C.)

La vie publique de Lucius Cornelius Cinna permet de retracer les grandes phases de la lutte qui opposa à Rome, au commencement du i^er siècle avant J.-C., le parti populaire dont il était l'un des chefs au parti sénatorial, Marius à Sylla, la démocratie totalitaire au conservatisme d'une oligarchie. Lutte qui, entre ~ 87 et ~ 83, prit l'aspect d'une guerre civile implacable. Élu consul en ~ 87, Cinna a pour collègue Octavius, un homme de Sylla, alors maître de Rome. Abandonnant la ville pour aller combattre Mithridate, roi du Pont, Sylla laisse donc en place deux consuls qui se détestent et qui vont cristalliser les haines entre deux factions.

Cinna soutient les revendications politiques des peuples italiens et de la plèbe urbaine. Mais le parti de Sylla et d'Octavius est assez puissant pour le contraindre à prendre la fuite et pour le déposer. Cinna réussit à prendre la tête d'une légion romaine entrée en dissidence, et Marius, qui avait été chassé de Rome par Sylla, vient le rejoindre. Ils font ensemble le siège de Rome, ravagée par la peste et la famine. Tous deux pénètrent sans combattre dans la ville et exécutent les partisans de Sylla. Ce dernier, vainqueur de Mithridate, revient à Rome pour venger la défaite de ses partisans. Cinna prend courageusement la tête d'une armée pour s'opposer au chef du parti sénatorial. Mais la trahison s'installe déjà dans les rangs du parti populaire ; les légionnaires se mutinent et tuent Cinna à Ancône. La route de Rome est ouverte à Sylla.

Cinna incarne une époque où nombreux étaient ceux qui sentaient la fragilité des structures socio-politiques de la république romaine, mais se montraient incapables de les réformer efficacement ou de les bouleverser. Il faudra attendre César, ami de Cinna, pour que Rome s'adapte au monde nouveau créé par ses conquêtes.

— Joël SCHMIDT