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DOLCE LUDOVICO (1508-1568)

On doit à l'écrivain Ludovico Dolce, Vénitien formé à Padoue, une abondante production de traductions du latin, de commentaires (en particulier ceux du Décaméron et du Roland furieux), de poèmes épiques, de comédies (La Fabrizia, 1545 ; Il Ragazzo, 1541) qui, bien que dérivées des modèles de Plaute et de Térence, trahissent l'influence de l'Arétin. Mais le nom de Dolce demeure surtout attaché à deux traités publiés respectivement en 1550 et 1557. Le premier, Observations sur la langue vulgaire (Osservazioni sulla volgar lingua), analyse avec un certain empirisme la structure morphologique, la métrique, l'orthographe de la langue « toscane » dans un esprit qui se rapproche de celui de Bembo et entend combattre les théories de Dante.

Le second, intitulé L'Aretino, est un dialogue consacré à la peinture dont l'intérêt réside — plus encore que dans son parti théorique — dans les idées puristes, classicisantes, voire réactionnaires que son auteur oppose au maniérisme, et particulièrement à la vogue croissante du style de Michel-Ange. Dolce, après avoir brossé un panorama de l'art vénitien conçu selon une courbe de perfection jalonnée par les trois grands noms de Bellini, de Giorgione et de Titien, se refuse, en effet, d'emblée, à sacrifier au culte dédié au maître toscan (« On ne doit pas s'arrêter aux louanges d'un seul homme, les cieux ayant, dans leur libéralité, produit à notre époque des peintres de valeur égale, et en certains domaines supérieure, à celle de Michel-Ange »). Les reproches que Dolce adresse au peintre de la Sixtine, et donc indirectement à son principal apologiste, Vasari, sont de deux ordres : critiquant l'« Invention » du Jugement dernier, le Vénitien ramène le dessin des figures à de vulgaires anatomies en lui opposant la « grâce », la variété de Raphaël ; puis, se situant sur le terrain d'un moraliste de la Contre-Réforme, mais avec beaucoup moins d'habileté que l'Arétin, il accuse le Jugement de corrompre les sens, d'offusquer la « convenance » (decoro). La poétique de Raphaël, dont au reste la grazia est louée par un Vasari au même titre que la terribilità de Michel-Ange, devient ainsi pour Dolce une valeur antinomique supérieure, par rapport à l'ingenium du maître toscan. En définitive, comme en témoigne la biographie qui conclut le dialogue, le génie de Titien est placé encore au-dessus de ces deux derniers artistes dans la mesure où il concilie « divinement » dessin et coloris, où il se montre habile à émouvoir et à persuader le spectateur par le jeu des expressions, suivant en cela l'exemple « des bons poètes et des orateurs ». En homme de lettres, Dolce défend systématiquement le thème traditionnel de l'ut pictura poesis, l'idée d'une identité entre peinture, poésie et littérature ; ses intentions encyclopédiques, le peu de pages qu'il réserve aux discussions techniques sont caractéristiques d'une époque où les artistes finissent par se soumettre au jugement des lettrés, devenus en principe (comme Dolce) experts dans les questions d'iconographie et même de technique picturale.

— Marc LE CANNU

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