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MIES VAN DER ROHE LUDWIG (1886-1969)

« J'ai renoncé à inventer une nouvelle architecture tous les lundis matin », répondit Mies van der Rohe à qui lui rapportait l'étonnement des Berlinois devant le plan de la Nationalgalerie, si semblable à leurs yeux à celui du bâtiment administratif de la société Bacardi à Santiago de Cuba. Cela n'est évidemment pas un aveu d'impuissance, mais tout au contraire l'affirmation de ce que nécessite, à son sens, l'architecture : continuité, longue patience, recherche sans fin de la perfection. En effet, si les problèmes et les thèmes que Mies van der Rohe a abordés sont ceux mêmes des architectes de sa génération qu'on devait appeler fonctionnalistes, c'est sans doute plus sa ténacité à explorer ces problèmes, à leur apporter des solutions sans cesse affinées que sa participation à l'élaboration de cette problématique et de cette thématique qui apparaît comme un des traits spécifiques de son architecture.

Architecture et industrialisation

« Nous rejetons toute spéculation esthétique, toute doctrine et tout formalisme », écrit Mies van der Rohe dans ses thèses publiées, en mai 1923, dans le premier numéro de G, revue à laquelle il collabore. Ce qui n'est nullement rejeter l'idée de forme ; en 1927, il écrit au docteur Rizler : « Je ne m'oppose pas à la forme, mais seulement à la forme comme but. » Celle-ci ne peut être que le résultat d'un processus rationnel, dominé par l'architecte : « Une identité totale entre forme et construction, telle est la condition sine qua non de toute architecture », écrit Ludwig Hilberseimer dans le no 3 de G. « La forme sera ce que la feront les tâches à accomplir avec les moyens de notre époque. » Au-delà du déterminisme fonctionnel suggéré par cette formule, mais démenti par toute la volonté perfectionniste de Mies van der Rohe élevée au niveau d'un principe, il reste qu'une des données de son époque est l'industrialisation, qu'il voit dans celle-ci le « nœud du problème » et qu'il s'est fait le propagandiste zélé de l'industrialisation de l'architecture moderne. Mies n'est certainement pas l'architecte qui a le plus industrialisé le bâtiment, mais c'est celui qui a le plus pensé ses projets en fonction de l'industrie et le mieux utilisé les possibilités de celle-ci. Certes, le projet de l'industrialisation est souvent exprimé à l'époque, l'activité du Bauhaus en témoigne. Cette idée toujours avancée, plus ou moins explicitement, comme solution à la crise de l'humanité, est ressentie par les architectes, par exemple Le Corbusier, à travers la crise du logement, en fonction de leur vision globale du monde ; idéologie que l'angoisse d'une grande partie des intellectuels aux lendemains de la première guerre impérialiste devait en partie susciter. Mies van der Rohe, qui « rejette toute doctrine », n'en lie pas moins la solution aux problèmes du monde à la solution de ceux de l'architecture : « Si nous réussissons à promouvoir une telle industrialisation, alors tous les problèmes, d'ordre social, scientifique, technique et même artistique, seront faciles à résoudre. » Mais si les architectes de cette époque placent au premier rang de leurs préoccupations l'idée d'une nécessaire industrialisation, seul Mies van der Rohe s'en est saisi pleinement ; cette idée imprègne son œuvre plus que celle de tout autre, idée intimement liée à celle de la continuité dans la recherche architecturale, de la clarté dans la méthode.

Né à Aix-la-Chapelle, Ludwig Mies van der Rohe reçoit une formation artisanale chez son père, maçon, puis dans une école professionnelle. Il travaille ensuite comme dessinateur dans plusieurs agences. À partir de 1905, il suit à Berlin un stage de construction en bois[...]

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Écrit par

  • : architecte D.P.L.G., urbaniste de l'État, professeur d'architecture à l'université de Paris-Tolbiac

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Médias

Lotissement de Weissenhof, Mies Van der Rohe - crédits : Encyclopædia Universalis France

Lotissement de Weissenhof, Mies Van der Rohe

Logements de Weissenhof - crédits : Joan Woollcombe Collection/ Hulton Archive/ Getty Images

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