BEETHOVEN LUDWIG VAN (1770-1827)
L'évolution créatrice
Il a hérité l'immense et magnifique richesse de toutes les musiques du xviiie siècle. Avec admiration, il ne cesse d'en explorer les ressources, d'en méditer les suggestions. Il recueille ce trésor entre ses mains puissantes, que le respect ne paralyse d'aucun scrupule, que la fidélité la plus haute pousse à dépasser, non à reproduire.
Les contemporains de Beethoven ont eu très vite l'impression que sa musique ne ressemblait à aucune autre. Or, en écoutant ses toutes premières œuvres, et même les œuvres des premières années viennoises, on peut sans doute déceler déjà les inflexions d'un langage personnel, mais dont son auteur n'est pas encore le maître. Beethoven a cependant conscience qu'une question se pose et il ne s'en remettra pas aux circonstances pour la résoudre. Il lui faut le temps de se découvrir lui-même au moins autant que d'apprendre son métier. C'est un travail de longue haleine et il n'a pas envie de le brusquer. Il est assez remarquable qu'il ait attendu l'âge de trente ans pour livrer au public sa première symphonie et ses premiers quatuors. Le fait était très anormal pour un musicien de cette époque. Beethoven ne pouvait pas ne pas le savoir et ne s'en est nullement inquiété. On touche là le plus caractéristique de son génie créateur : dès le début de sa carrière, Beethoven a conclu un pacte avec le temps. L'homme le plus ardent et le plus avide du monde met toute sa confiance dans la durée : il devient le plus patient des travailleurs.
C'est ce qui lui permettra d'être peut-être l'artiste qui s'est le plus renouvelé sans se trahir de sa première à sa dernière œuvre, et cela au cours d'une vie qui paraît bien longue à côté de celles de Mozart et de Schubert, mais bien brève à côté de celles de Bach, de Haendel, de Haydn ou de Wagner. Brahms a pu dire que la Cantate sur la mort de Joseph II (1790) était déjà du Beethoven d'un bout à l'autre. Mais quel itinéraire, des premières sonates à la Sonate op. 111, des premiers trios et quatuors aux cinq derniers quatuors, des premières œuvres orchestrales à la Neuvième Symphonie ! Emmanuel Buenzod n'a pas tort de faire observer que la distance qui sépare le début et la fin de l'œuvre beethovénienne est plus grande que la distance qui sépare en général une génération de musiciens de la suivante.
Pour expliquer cette évolution, Fétis et Lenz ont avancé la théorie des trois styles (1854), que Liszt a combattue dès son apparition, et qui s'est pourtant répandue sans qu'aucun critique ose la reprendre dans son intégralité, et sans même que les critiques arrivent à s'accorder entre eux sur les limites de chacun de ces styles. Il serait temps, une bonne fois, d'en faire justice, car rien n'est plus organique, rien n'offre plus d'unité dans son développement, rien n'est plus délibéré que l'évolution de Beethoven. Si l'on voulait marquer toutes les étapes qu'il a conscience de parcourir, ce n'est pas trois, mais dix ou vingt étapes que les documents révèlent – et des étapes si brèves que la continuité du mouvement devait être davantage soulignée que les pauses. Jamais Beethoven ne s'est moins cru « arrivé » ou en possession d'une manière définitive, et satisfaisante, qu'à la veille de sa mort.
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Écrit par
- Brigitte MASSIN : musicologue, journaliste, critique, écrivain
- Jean MASSIN : écrivain
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