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WITTGENSTEIN LUDWIG (1889-1951)

Les derniers écrits de Wittgenstein

L'édition des œuvres de Wittgenstein s'est achevée avec la parution d'une édition électronique de ses écrits en 1999. Jusque-là – et depuis 1953, date de la parution des Investigations philosophiques –, ses éditeurs avaient publié les manuscrits qui marquent les principales étapes de sa réflexion après la période du Tractatus logico-philosophicus, seul livre publié de son vivant en 1921 (R. Monk, B. McGuinness). Découverts ou redécouverts après sa mort, ces manuscrits se trouvaient dans un état inégal d'élaboration, lié à la façon dont Wittgenstein travaillait, composant et recomposant des cahiers de remarques qu'il tirait des carnets dans lesquels il commençait généralement par consigner ses pensées (G. H. von Wright). Les difficultés auxquelles ses éditeurs ont dû faire face auront permis de mettre en évidence les strates et l'évolution de sa philosophie, ainsi que les problèmes auxquels, peu à peu, celle-ci s'est étendue (J. Hintikka). Au demeurant, les perspectives sur lesquelles s'ouvraient les Investigations philosophiquesentraient en rapport avec des questions dont les textes publiés ultérieurement ont permis de mieux mesurer l'importance, tant au regard du développement ou de la signification interne de l'œuvre que de sa portée ou de ses échos dans la discussion philosophique. Il en va ainsi, notamment, pour toutes les remarques sur la philosophie de la psychologie ou pour celles qui concernent la certitude dans ses tout derniers écrits (J. Schulte).

D'une certaine manière, ces questions étaient déjà présentes, de façon plus ou moins explicite, dans les écrits qui correspondent à la deuxième partie des Investigations . Ce n'est toutefois qu'au cours des huit dernières années de sa vie, entre 1943 et 1951, qu'elles devinrent centrales dans son travail, au point qu'elles ont pu paraître l'engager dans de nouvelles voies par rapport à celles qu'on a coutume de tenir pour caractéristiques de sa « seconde philosophie » (H. Sluga et D. G. Stern). Pourtant, la continuité, là encore, est plus grande qu'on ne pense. D'abord, certaines remarques qu'on a l'habitude de leur rapporter sont parfois plus anciennes (Wittgenstein mêlait, dans ses manuscrits, des réflexions que séparaient parfois des années d'intervalle) ; et surtout, les questions qu'il aborde à propos de la psychologie ou de la certitude entrent en relation étroite avec les problèmes qui avaient retenu son attention dans des périodes antérieures (P. Johnston). Une constante, par exemple, depuis les années 1930 (Dictées de Wittgenstein à Waismann et pour Schlick) jusqu'aux dernières remarques sur la philosophie de la psychologie (Les Cours de Cambridge, 1946-1947), tient à son refus des formes diverses de mentalisme qui entachent de confusion les discussions sur la signification, lorsqu'il s'agit du langage, sur le fait de suivre une règle ou sur les « expériences » qui semblent être associées à la pensée, aux émotions ou aux sensations (J.-P. Cometti). La critique de l'ostension, conception qui consiste à définir le sens d'un terme en montrant l'objet qu'il désigne, celle du langage privé, ont pour effet de mettre en lumière les mythologies qui caractérisent notre représentation de l'intériorité (Investigations, l'intérieur et l'extérieur).

Lorsqu'il examine ces questions, Wittgenstein pratique une analyse de type « grammatical » ou encore « conceptuel », qui repose essentiellement sur la considération de ce qui est impliqué dans nos usages du langage (J. Bouveresse). Il insiste souvent sur le fait que son but n'est pas alors de soutenir une thèse ou de bâtir une théorie. Il est pourtant exagéré, contrairement à ce que veulent croire certains commentateurs,[...]

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Wittgenstein - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Wittgenstein

Ludwig Wittgenstein - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Ludwig Wittgenstein

Ludwig Wittgenstein - crédits : The Granger Collection, New York

Ludwig Wittgenstein

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