CHERUBINI LUIGI (1760-1842)
Le compositeur qui, le 10 août 1841, à l'âge de quatre-vingt-un ans, écrit un canon mélancolique sur le long énoncé de son nom — Luigi Carlo Salvatore Zanobi Maria Cherubini — reste surtout présent dans les mémoires pour ses violents démêlés, en tant que directeur du Conservatoire de Paris, avec Berlioz : leur différence d'âge est, il est vrai, de près d'un demi-siècle.
Né à Florence, Cherubini a déjà écrit, à seize ans, nombre de compositions religieuses. Après avoir travaillé avec Sarti à Venise, il s'oriente vers le théâtre et, en 1784, présente à Londres sans grand succès quatre opéras. En 1786, il s'installe à Paris, qui restera sa résidence principale jusqu'à sa mort ; il y change sa manière en faveur d'un style dramatique et expressif sur des livrets français, dont la première manifestation est Démophon (1788). En même temps, il éprouve le choc de sa vie (fait d'autant plus remarquable qu'il est italien) en interprétant, en tant que membre de l'orchestre de la loge olympique, les toutes récentes Symphonies parisiennes de Haydn. D'où la vénération qu'il vouera à ce maître, et aussi l'estime dont il bénéficiera de la part de Beethoven : il est, en effet, un des très rares auteurs d'opéras du temps à posséder la dimension symphonique.
Une quinzaine de partitions dramatiques suivent rapidement, dont Médée (1797), Le Porteur d'eau (1800) et Anacréon (1803). Mais ni le Consulat ni l'Empire ne lui sont favorables. Napoléon n'aime pas sa musique, qu'il trouve trop riche de notes, et le lui fait sentir.
En 1805, Cherubini est à Vienne, où il remet à Haydn un diplôme décerné par le Conservatoire de Paris et reçoit de lui le manuscrit de la symphonie (no 103) du Roulement de timbales. Il y donne Faniska, dont la création (24 févr. 1806) a lieu entre celles des deux premières versions de Léonore de Beethoven. À son grand déplaisir, il doit, en décembre 1805, s'occuper des concerts organisés à Schönbrunn pour Napoléon, qui vient d'occuper la ville. De retour à Paris, il fait avec Les Abencérages (1813) des adieux provisoires à la scène lyrique (il y aura encore Ali Baba, 1833).
Surintendant de la chapelle de Louis XVIII, professeur de composition puis directeur (de 1822 à sa mort) du Conservatoire, il se consacre presque exclusivement, durant cette dernière période, à la musique religieuse : Requiempour l'anniversaire de la mort de Louis XVI (interprété à Saint-Denis le 21 janvier 1817), second Requiem (1836) en prévision de ses propres funérailles, Messe pour le couronnement de Charles X. Il a cependant composé quelques partitions instrumentales, dont une Symphonie en ré majeur commandée par la Société philharmonique de Londres (1815).
Par-delà son style un peu froid, il dispose d'un métier à toute épreuve, d'une solidité d'écriture que, hormis chez les plus grands, on ne retrouve chez aucun de ses contemporains. C'est ce qui conduit Berlioz lui-même, malgré ses rancunes personnelles, à voir en lui « un modèle sous tous les rapports » ; Beethoven en parle comme du « meilleur compositeur de son temps » ; Schumann lui accole l'épithète de « magnifique » ; Bülow voit en Brahms « l'héritier de Luigi [Cherubini] et de Ludwig [Beethoven] » ; Weber s'extasie sur ses « chefs-d'œuvre ».
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Écrit par
- Marc VIGNAL : musicologue, journaliste
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Média