COMENCINI LUIGI (1916-2007)
Humiliés et offensé
Pour Comencini, le metteur en scène est un artisan avant d'être un artiste, un homme qui jour après jour accepte les contraintes de son métier. Le ton si particulier qui est le sien trouve en partie son origine dans un système où il fallait respecter les règles très précises d'un spectacle à la fois populaire et exigeant. Le cinéaste a sans cesse affiné un ton à mi-chemin entre la comédie et le drame, un ton où se mélangent, s'opposent ou se répondent douleur, mélancolie, humour, ironie.
Comencini souligne que ses personnages sont empruntés à la vie quotidienne : « Pour que ces types soient sympathiques, pour que le public en suive avec confiance et intérêt les aventures, il faut que ce soient de pauvres diables. Pas d'ambassadeurs, de ducs, de commandants et de généraux. Tous des personnages un peu stupides, désarmés, malchanceux, infortunés en amour et au jeu : comme la plus grande partie du public. » Cette focalisation de l'intérêt sur le personnage ordinaire conduit Comencini a rejeter la notion de « héros » et à prendre en considération le « médiocre », porteur d'une plus grande vérité humaine : « Chez le médiocre, victime des puissants bien que cherchant à en imiter le comportement, explose la contradiction de la société dans laquelle il vit et, dans ses défauts, il y a toujours un reflet des injustices sociales ; ses qualités renforcent l'amour pour les humbles. Seuls m'intéressent les humbles, les inconscients et les ratés. » Cette approche humaniste jette un éclairage aigu sur la plupart des films du cinéaste. Car Comencini s'est toujours efforcé de cerner la personnalité d'individus désarmés face à la vie.
Pour lui, un film doit susciter des sentiments et non représenter des idées. Cette primauté du sentiment sur l'idéologie, cette valorisation des réactions affectives au détriment des comportements cérébraux ont souvent constitué l'armature de ses films. Pareille attention aide à comprendre l'intérêt constant qu'il montre pour les enfants et pour la psychologie enfantine. Ceux-ci sont décrits dans leur éclairage spécifique, celui d'individus qui ne réagissent pas par la raison mais qui possèdent une compréhension intuitive des situations et des rapports entre les adultes : ainsi, dans L'Argent de la vieille, la fillette qui prépare le gâteau empoisonné destiné à la milliardaire américaine n'a pas une claire conscience du rapport exploiteur-exploité. Pourtant, elle est porteuse de cette vérité que les adultes ont perdue, et qui va permettre à l'enfant de trouver la seule manière de sauver ses parents du mirage de la richesse à la poursuite duquel ils sont lancés.
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Écrit par
- Jean A. GILI : professeur émérite, université professeur émérite, université Paris I-Panthéon Sorbonne
Classification
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