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LUIGI GHIRRI. CARTES ET TERRITOIRES (exposition)

Explorer l’image

Avec ses prises de vue frontales et ses cadrages sans effet, son absence de hiérarchisation entre les plans de l’image ou de repère quant à l’échelle, ses « encadrements naturels » et ses « montages trouvés » qui égarent entre réel et simulacre, le photographe-géomètre stimule le regard. « La réalité devient toujours davantage une colossale photographie et le photomontage est déjà là : c’est le monde réel »,déclarait-il. Ainsi cette affiche publicitaire d’un couple endormi sous des feuillages que seuls les plis du papier incitent à lire comme une image, ces consommateurs déjeunant dans un restaurant devant un faux paysage imprimé, ou encore cet emballage étoilé d’un panettone qui évoque une cosmogonie.

C’est aussi la pratique de la photographie amateur que scrute Ghirri dans Diafragma 11, 1/125, lucenaturale(Diaphragme 11, 1/125 lumière naturelle;1970-79), où il saisit ses contemporains photographes-photographiés devant un point de vue pittoresque, dans un musée ou sur une plage. Son objectif pointe ce besoin de représentation communément partagé qui provoque la « destruction de l’expérience directe ». Autant de prémices de la frénésie de selfies qui enflammera la planète quelques décennies plus tard. Modeste et discret, Luigi Ghirri, de son côté, sacrifia peu à l’art de l’autoportrait, à l’exception d’Identikit (1976-1979),où il dresse son portrait-robot via les objets et ouvrages de sa bibliothèque.

Si, pour Atlante (Atlas ;1973),l’ancien géomètre zoome sur les cartes d’un atlas jusqu’à l’abstraction et la désintégration des proportions et des signes, dans Infinito(Infini ;1974), il tourne son objectif vers le ciel, dont il prend un cliché quotidiennement durant trois cent soixante-cinq jours, approfondissant sa réflexion sur le geste photographique par excellence, le cadrage. Les décorations de fêtes foraines ou les dioramas de musées sont autant d’occasions pour lui de jouer avec les vraies ombres de faux animaux ou de faux paysages (Il paese dei balocchi, Le pays des jouets; 1972-1979). Comme les maquettes de monuments du parc « Italia en miniatura » de Viserba qui fournissent autant d’opportunités pour jouer sur les échelles de valeurs entre le décor et les visiteurs comme dans « un atlas en trois dimensions »(In scala ;À l’échelle; 1977-78).

« La photographie est […] une grande aventure dans le monde de la pensée et du regard […], un voyage continu dans le grand et le petit, dans les variations à travers le règne des illusions et des apparences, des labyrinthes et des miroirs, de la multitude et de la simulation. » Telles furent les intuitions et les recherches de ce visionnaire lucide et ludique qui perçut très tôt la révolution provoquée par la prolifération massive des images.

— Armelle CANITROT

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<em>Bologna</em>, L. Ghirri - crédits : Eredi di Luigi Ghirri/ CSAC, Università di Parma

Bologna, L. Ghirri