NONO LUIGI (1924-1990)
« Pour un musicien, il existe une position – toujours et dans chaque cas – de choix, actif ou passif, conscient ou non, face à la structure de la société contemporaine. L'homme-musicien mesure – et choisit – sa participation inventive, créatrice, par rapport à la réalité de son propre temps, et établit la valeur de son témoignage. Cela est en rapport direct avec la rencontre économico-idéologique qui marque l'époque » (Nono, en 1964). Luigi Nono a toujours été, et cela dès ses débuts dans les années 1950, un musicien « engagé ». Pour lui, une voie crédible pour la musique exigeait une technique de composition résolument contemporaine. En même temps, cette musique devait être intimement liée à la prise de conscience du présent par l'homme-musicien responsable et devait dépasser le fait musical pur. Enfin, cette position d'« intellectuel organique » (selon Antonio Gramsci) exigeait de l'artiste un engagement total. Nono ne fut pas seulement un des plus importants compositeurs de la seconde moitié du xxe siècle, il en a été le plus important agitateur moral.
Le creuset de Darmstadt
Luigi Nono naît à Venise le 29 janvier 1924. Il suit les cours de composition que dispense Gian Francesco Malipiero, à qui il doit surtout les bases de ses larges connaissances de l'histoire de la musique. Après un diplôme de droit obtenu à l'université de Padoue, il reprend ses études musicales en 1946 auprès de son futur ami, le compositeur et chef d'orchestreBruno Maderna, et devient en 1948 élève de Hermann Scherchen, qui va l'influencer aussi bien sur le plan musical que sur les plans culturel et politique. Aux cours d'été de Darmstadt de 1950, Scherchen crée sa première œuvre, les Variations canoniques sur la série de l'op. 41 de Schönberg pour orchestre. Dès lors, Nono va faire partie, d'abord comme étudiant, ensuite comme enseignant jusqu'en 1960, de ce « laboratoire de la musique sérielle » de Darmstadt, sans pour autant utiliser systématiquement dans ses œuvres d'avant 1955 (jusqu'à Incontri pour 24 instruments) le principe de la sérialisation musicale intégrale. À la base des compositions des années 1950 se trouvent souvent, outre les textes, des « objets musicaux » (mélodies folkloriques, chants politiques, etc.) qui influencent la structure musicale. Dans les œuvres capitales de cette période – Epitaffio (1952-1953), sur des textes de García Lorca et de Neruda, Il Canto sospeso (1955-1956), les œuvres pour chœur et instruments sur des textes de Cesare Pavese et de Giuseppe Ungaretti (La Terra e la Compagna, 1957 ; Cori di Didone, 1958), l'opéra Intolleranza 1960 (1960-1961) –, les techniques d'avant-garde sont mises au service d'une volonté expressive, d'une prise de position directe. Des textes de Lorca ou des lettres de condamnés à mort de la résistance européenne contre le fascisme (dans le Canto sospeso) créent, dans et par l'œuvre, une relation consciente entre l'histoire et le présent. Nono, membre du Parti communiste italien depuis 1952, marié depuis 1955 à Nuria, fille d'Arnold Schönberg, refuse aussi bien le « réalisme socialiste » pompeux qu'une musique avant-gardiste fuyant le présent pour s'isoler dans une subculture hermétique. La création du Canto sospeso par Scherchen à Cologne en 1956 établit Nono comme l'un des plus importants compositeurs européens, position confirmée en 1961 par la première houleuse (pour des raisons politiques) de son « action scénique » Intolleranza 1960 dans le cadre de la biennale de Venise.
Si la musique de l'école de Darmstadt est essentiellement musique instrumentale, celle de Nono fait une large part à la voix et surtout au chœur. Dans les parties chorales, Nono développe de nouveaux types d'écriture en transférant à l'ensemble vocal[...]
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Écrit par
- Jürg STENZL : professeur de musicologie à l'université de Fribourg (Suisse), critique musicale
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Média
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