NONO LUIGI (1924-1990)
La période électro-acoustique
En 1960, Nono commence à travailler au studio de musique électro-acoustique de la radio italienne R.A.I. à Milan, le Studio di Fonologia placé sous la houlette du technicien Marino Zuccheri. Les œuvres des années 1960 – à partir de La Fabbrica illuminata (1964) pour voix de soprano et bande – et de la première moitié des années 1970 sont plus radicales que les précédentes. Elles combinent souvent les voix, les instruments et les bandes pour dresser de grandes fresques qui expriment les positions militantes du compositeur solidaire des luttes des travailleurs italiens (La Fabbrica illuminata), de la Chine de Mao (Per Bastiana Tai-Yang Cheng, 1967), des mouvements de libération en Amérique latine (A floresta é jovem e cheja de vida, 1966) ou des étudiants de Mai-68 (Musica manifesto no 1, 1968-1969). Le travail au studio de musique électro-acoustique permet une utilisation différenciée des « objets acoustiques » préexistants en vue de l'élaboration d'un langage dramatique qui juxtapose de grandes explosions sonores et des passages d'un lyrisme doux et intense. Ces œuvres envisagent une rupture nette avec les rituels du concert traditionnel et cherchent des publics différents, aussi bien en Europe que dans les pays de l'Est européen ou d'Amérique latine, pays dans lesquels Nono a donné de nombreux cours et conférences, et qui ont laissé de profondes traces dans ces compositions.
De même qu'Intolleranza 1960 résume le développement de Nono durant les années 1950, de même le deuxième opéra, Al gran sole carico d'amore, de 1972-1974 (une commande de la Scala, créée en 1975 à Milan), résume les expériences des années 1960. Sans présenter une histoire linéaire et continue, cette « action scénique » juxtapose des épisodes de la Commune parisienne de 1871, de la révolution russe de 1905 et du Turin des travailleurs des années 1950. Sur le plan musical, des moments lyriques pour quatre sopranos et bande se confrontent aux déchaînements pour soli, chœur, orchestre et bande. La dramaturgie de cette œuvre, fondée sur les conceptions du scénographe russe Meyerhold, est le résultat d'une étroite collaboration avec le metteur en scène Yuri Liubimov et le décorateur David Borovsky, tous deux du théâtre Taganka de Moscou.
En développant son langage musical des années 1950, Nono élargit les structures sérielles, travaillant avec des « blocs harmoniques » et leurs transformations (surtout à partir des Canti di vita e d'amore, 1962). L'écriture vocale et instrumentale devient plus dense et tire profit des expériences acquises au studio de musique électro-acoustique.
Entre 1976 et 1979, Nono n'a presque rien composé. « Après Al gran sole, j'ai éprouvé le besoin de repenser tout mon travail, toute ma façon d'être un musicien aujourd'hui, un intellectuel dans cette société, pour ouvrir de nouvelles voies de connaissance, d'imagination. Certains schémas, certaines pensées sont dépassés ; aujourd'hui, c'est un besoin que d'exalter le plus possible l'imagination », disait Nono dans un entretien de 1981. Le résultat de cette mise en question radicale fut en premier lieu l'effondrement des certitudes, même si elles avaient toujours été exposées dans leur complexité. Cette remise en question de tous les acquis fut telle que la critique se demanda si Nono avait rompu avec son passé, s'il n'était pas devenu un renégat, ou si ce qui apparaissait avec une nouveauté aussi provocatrice dans une œuvre comme le quatuor à cordes Fragmente-Stille, An Diotima (1979-1980) ne dévoilait pas une de ses faces jusqu'alors cachée. Entre-temps, le philosophe Massimo Cacciari servait de catalyseur à Nono ; il lui ouvrait de nombreux nouveaux horizons philosophiques et littéraires. Au centre de cette pensée musicale « nouvelle[...]
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Écrit par
- Jürg STENZL : professeur de musicologie à l'université de Fribourg (Suisse), critique musicale
Classification
Média
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