PAREYSON LUIGI (1918-1991)
Né le 4 février 1918 à Cueno, dans le Val d'Aoste, mort à Milan le 8 septembre 1991, Luigi Pareyson est sans conteste une des figures majeures de la philosophie italienne de la seconde moitié de ce siècle. Professeur d'esthétique à l'université de Turin de 1945 à 1964, avant d'y occuper la chaire de philosophie théorétique, il formera un très grand nombre d'élèves parmi lesquels on peut citer Umberto Eco et Gianni Vattimo. C'est très certainement autour de la notion d'interprétation qu'il est possible de trouver l'unité de l'œuvre protéiforme du philosophe. De ses premières recherches sur Karl Jaspers : La Filosofia dell'esistenza e Carlo Jaspers (1940) à sa dernière œuvre, Filosofia della libertà (1989, trad. franç., Ontologie de la liberté, 1998), Pareyson approfondira le « caractère herméneutique de la vérité » (Verità e interpretazione, 1971) : la relation de la personne à la vérité, du fini à l'absolu loin de se limiter à une « expression » de ce qui est historiquement advenu, est « révélation du non répétable », « ontologie de l'inépuisable ». Et c'est bien entendu à propos de sa réflexion sur l'œuvre d'art qu'une telle notion d'interprétation va prendre tout son relief. En 1954, il fait paraître son Estetica. Theoria della formatività, premier ouvrage d'une série qui va le faire connaître en tant que l'un des meilleurs esthéticiens italiens depuis Benedetto Croce. Sa « trilogie esthétique » (I Problemi dell' estetica, 1965 ; Teoria dell'arte, 1965 ; L'Esperienza artistica, 1974), ses Conversazioni di estetica, 1966 (traduction française, Conversations sur l'esthétique, 1992) et la direction de la Rivista di estetica vont l'amener à placer au centre de ses analyses la notion de « formativité » qui faisait défaut aux analyses de Croce et celle d'interprétation, que ses études sur l'existentialisme, non seulement celui de Jaspers mais aussi celui de Heidegger, qu'il sera l'un des premiers à faire connaître en Italie, lui permettront de dégager. L'œuvre est « à la fois la loi et le résultat de sa production ». La considérer une fois achevée, c'est manquer les processus de sa genèse et immanquablement la ramener à être un simple objet livré aux codes. Les œuvres sont des « organismes », des « personnes » ouvertes sur un « non-dit » toujours et encore à ouvrir ou découvrir. L'interprétation n'est pas seconde, elle est au cœur du processus créateur. Le spectateur d'une œuvre en est en quelque sorte le « co-auteur » en ce qu'il sait la maintenir vivante sous son attention. « Accéder à une œuvre signifie l'exécuter, autrement dit la faire vivre de sa vie propre et la rendre de la façon dont elle a été faite et dont elle veut vivre encore et toujours. » Inépuisable, l'œuvre est un monde indissolublement spirituel et matériel qui témoigne de notre liberté formative non asservie à des modèles préalables. Analyse de l'art et « ontologie personnaliste » sont donc deux aspects inséparables d'une même démarche. Les très importants travaux de l'auteur sur l'idéalisme allemand – parmi lesquels on peut citer : Fichte (1950), L'Estetica dell'Idealismo tedesco (1950), L'Estetica di Schiller (1964), L'Estetica di Kant (1968), Schelling (1975), Fichte. Il sistema della libertà (1976) –, outre qu'ils témoignent de son inlassable enseignement, sont inséparables de ses recherches proprement philosophiques. Proche du dernier Schelling (dont il édita un important volume de Rariora en 1977), miné par la maladie et les épreuves de la vie, Pareyson déploiera une interprétation tragique de l'expérience religieuse mettant face à face question du mal et expérience[...]
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Écrit par
- Francis WYBRANDS : professeur de philosophie
Classification
Autres références
-
INTERPRÉTATION MUSICALE
- Écrit par Alain PÂRIS et Jacqueline PILON
- 7 438 mots
- 8 médias
Comment y parvenir ? Il n'existe certes pas de recette universelle, de clef passe-partout.Sur la voie, pourtant, d'un tel dépassement de l'instant, se situe l'esthétique de l'interprétation d'un penseur comme Luigi Pareyson, ou l'herméneutique d'un Hans-Georg...