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PULCI LUIGI (1432-1484)

Auteur quelque peu oublié, Pulci est avec et avant Boiardo le fondateur d'un genre littéraire qui devait connaître en Italie une fortune extraordinaire et aboutir, en passant par l'immortel Arioste dont le Roland Furieux connaît de nos jours une nouvelle jeunesse, à ce monument de grâce baroque qu'est La Jérusalem délivréedu Tasse. Mais s'il reprend la matière des « chanteurs » du Moyen Âge, s'il est coulé dans le moule du poème chevaleresque, son Morgant le Géant pétille de l'esprit populaire de la Florence de son temps et, plus qu'au cycle carolingien, se rattache par la fantaisie, le mélange de fantastique et de réel à tout un courant bourgeois et réaliste de la première moitié de la Renaissance annonçant Rabelais et le roman picaresque.

L'auteur de Morgant le Géant

De l'enfance de Luigi Pulci, né à Florence, on sait peu de chose. De graves revers de fortune subis par sa famille le contraignent en 1459 à accepter les fonctions de secrétaire auprès de Francesco Castellani. Des spéculations malheureuses de son frère Luca aboutissent au bannissement de Florence de Luca et de son autre frère Bernardo. Devenu homme de confiance de Laurent de Médicis, Pulci exécute pour son compte de nombreuses missions. Son amitié avec ce prince nous vaut une riche correspondance où se reflète sa nature triste, lyrique, bizarre, tour à tour amère et spirituelle. La polémique qui l'oppose à Matteo Franco, poète cher à Laurent, certaines dissensions avec Marsile Ficin, également intime de Franco, sont peut-être à l'origine des premiers nuages qui assombrissent ses relations avec Laurent le Magnifique et de son passage au service du prince Roberto Sanseverino qu'il suivra dans ses nombreuses pérégrinations. Il tombe malade lors d'un voyage à Venise et meurt à Padoue. Accusé de pratiques magiques et de scepticisme à l'égard de la foi, il est inhumé en terre non consacrée, comme un hérétique.

À part ses lettres à Laurent le Magnifique, un petit poème rustique, parodie de la Nencia da Barberino de Laurent et la Giostra di Lorenzo qui célèbre la victoire de Laurent au tournoi de 1469, Pulci nous a laissé surtout son Morgant le Géant (Morgante Maggiore, 1460-1479). Composé à la demande de la pieuse mère de Laurent de Médicis, Lucrezia Tornabuoni, ce poème chevaleresque comique, en vingt-huit chants, écrit en huitains et dans l'endécasyllabe traditionnel de la grande poésie italienne, reprend et transforme la fruste matière que lui propose un Chant de Roland (Cantare d'Orlando) d'un anonyme du xive siècle. On y retrouve les principaux personnages du cycle carolingien : Charlemagne, Roland, Olivier, Renaud, Ganelon, Marsile, mais aussi deux inventions propres à Pulci, le géant Morgant et le demi-géant Margutte, son écuyer, qui incarnent le peuple débonnaire et crédule. On y voit aussi deux diables, Astaroth et Farfarello, qui, par le pouvoir magique du sorcier Malaggigi, ont mission de ramener par les airs Renaud et Richard. Roland et Renaud, ulcérés de l'aveuglement de Charlemagne à l'égard de Ganelon, quittent sa cour. C'est alors que Roland rencontre le païen Morgant en train d'assiéger une abbaye et qu'il le convertit au christianisme. Après avoir combattu des monstres et des rois, déjoué mille enchantements, les paladins rentrent pour se porter au secours de la France menacée. Comme dans la Chanson de Roland, c'est alors Roncevaux, la mort de Roland, la découverte de la perfidie de Ganelon ; les traîtres sont punis et le poème s'achève sur la fin sereine de Charlemagne. À ce moment, Morgant le Géant, grand pourfendeur de lions, de crocodiles, d'éléphants et de démons, a déjà disparu de la scène depuis quelques chants : après avoir, pour son dernier exploit, tué une baleine, il meurt, mordu dans l'eau par une crevette, pleuré de Roland et de Renaud.[...]

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Écrit par

  • : ingénieur de recherche en littérature générale et comparée à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, traductrice

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