DOMENECH I MONTANER LUIS (1850-1923)
À Barcelone, dans les dernières décennies du xixe siècle, la nostalgie du Moyen Âge se rencontrait avec celle des nationalistes catalans qui regrettaient ce temps où leur nation, alors libre et souveraine, brillait d'un vif éclat dans tous les domaines de la pensée et de l'art. Antoni Gaudí incarnera ce courant avec le génie que l'on sait. À côté de lui, une figure également marquante : celle de Luis Domenech i Montaner qui, plus encore que Gaudí, tint un rôle éminent dans la vie socioculturelle de sa ville natale. Président des Jeux floraux, député aux Cortes, il sera, en 1900, directeur de l'École d'architecture de Barcelone.
Ses trois œuvres majeures, toujours visibles, témoignent d'une escalade dans le fantastique architectural qui n'a guère d'équivalent ailleurs. Chargé de construire le café-restaurant — aujourd'hui musée zoologique — pour l'Exposition universelle de Barcelone, en 1888, Domenech i Montaner édifia un véritable château féodal cantonné de tours. On y retrouve le vocabulaire du gothique catalan utilisé dans un esprit de rigueur et de modernité qui ne s'interdit pas le fer pour supporter les voûtes. L'hôpital San Pablo (1902-1912), véritable ville comportant quarante-huit pavillons autonomes reliés par des rues et des souterrains, révèle un peuple de statues évadées des églises médiévales sur fond de céramique. Ici, un traitement éclectique d'ensemble ménage une belle place à l'inspiration orientale.
Mais le chef-d'œuvre du modernisme catalan sera donné par Domenech i Montaner avec le palais de la Musique catalane (1905-1908), bientôt l'un des temples des nationalistes. À partir d'une structure de fer, de verre et de brique, le maître a demandé à ses collaborateurs de déchaîner leur verve dans un éblouissement d'azulejos et de vitraux. Sur la scène, quatorze bustes féminins en pierre se détachent du mur, l'autre moitié du corps étant traitée en bas relief de céramique, tandis que la salle est dominée par un gigantesque vitrail. Architecture et arts décoratifs sont étroitement mêlés, l'édifice est redevenu le tout organique qu'il était au Moyen Âge. Compris et soutenu par la société catalane, Domenech i Montaner représente le cas d'un architecte nationaliste qui a su parfaitement exprimer les aspirations de son temps.
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Écrit par
- Roger-Henri GUERRAND : professeur émérite à l'École d'architecture de Paris-Belleville
Classification
Autres références
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ART NOUVEAU
- Écrit par Françoise AUBRY
- 8 824 mots
- 23 médias
...de récupération. Josep Puig i cadafalch revisite dans la Maison Amatler le gothique catalan décliné dans un foisonnement décoratif propre au Modernisme. Lluis Domenech i Montaner transforme les colonnes du palais de la Musique catalane en arbres fleuris. À l'intérieur, l'emportement des sens que procure...