LUTETIA, astéroïde
Si l'astéroïde Lutetia fait partie de la ceinture principale d'astéroïdes située entre Mars et Jupiter, il s'en distingue des autres membres par son diamètre d'une centaine de kilomètres – Lutetia est l'un des 2 à 4 p. 100 plus gros objets de cette ceinture – et, surtout, par sa classification dans la famille des astéroïdes. Celle-ci a longtemps posé problème et les études les plus récentes lui attribuent le type très rare « Xc », qui regroupe moins de 0,5 p. 100 des objets de la ceinture principale. Lutetia s'est donc imposé comme une cible idéale pour une mission spatiale et, le 10 juillet 2010, la sonde Rosetta de l'Agence spatiale européenne le survolait à une distance de 3 170 kilomètres.
Approximativement, la moitié de la surface de l'astéroïde a pu être photographiée sous différents angles et, en combinant plusieurs techniques de reconstruction tridimensionnelle appliquées à ces images ainsi qu'à d'autres observations, notamment par optique adaptative pour compléter la partie manquante, la forme de Lutetia et donc son volume ont pu être déterminés. Combinée avec sa masse déduite de la perturbation de la trajectoire de la sonde par attraction gravitationnelle, la densité de Lutetia a été déduite : 3,4 g/cm3. C'est une valeur bien plus grande que la moyenne des astéroïdes (hors métalliques), qui se situent entre 1,5 et 2 g/cm3. Cette densité hors norme témoigne du fait que Lutetia n'a pas été formé par ré-accrétion de fragments résultant d'inter-collision, contrairement à 95 p. 100 des astéroïdes. De plus, le nombre de cratères à sa surface, qui témoignent d'impacts avec d'autres objets, permet d'évaluer son âge à 3,6 milliards d'années et donc de conclure que Lutetia est un des corps primitifs formés au tout début du système solaire ( les planétésimaux) et qui ont peu évolué depuis sa formation.
D'où vient Lutetia ? Une contrainte supplémentaire a été apportée par la similitude des propriétés spectrales de Lutetia dans le domaine infrarouge avec celles des météorites du type chondrites à enstatite. Or la composition chimique et isotopique de ces chondrites indique qu'elles se sont formées dans la région des planètes terrestres (Vénus, Terre, Mars), qui en sont en grande partie constituées. Les études dynamiques par simulation numérique confirment qu'une petite partie des planétésimaux formés dans cette région n'ont pas été accrétés par les protoplanètes émergentes mais ont été éjectés, en particulier dans la ceinture principale d'astéroïdes. Lutetia y est donc un intrus, fragment de matière originelle et rare vestige de la naissance de la Terre.
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Écrit par
- Philippe LAMY : directeur de recherche, responsable de l'équipe Système solaire au Laboratoire d'astrophysique de Marseille
Classification
Médias