LUTH
L'histoire de la musique en Europe montre que chaque siècle possède son instrument de prédilection, tel le piano au xixe siècle. Le seizième fut l'âge d'or du luth. Il fut le premier instrument à jouir d'une vogue propre, analogue à celle de la viole ou du clavecin. Sa marque reste vivace parmi les idéaux de notre civilisation puisqu'il représente généralement le symbole poétique de la musique. La littérature et l'imagerie de la Renaissance évoquent très souvent le luth jusque dans certaines peintures à caractère religieux où il figure entre les mains des anges. Destin glorieux pour un instrument qui subira une longue éclipse avant que son répertoire ne renaisse à la fin du xxe siècle. Néanmoins, l'art du luth fut pratiqué durant trois siècles et demi, du Moyen Âge jusque vers 1780. Malgré une vie relativement brève, cet instrument joue un rôle fondamental dans la naissance de la musique européenne : son avènement correspond au développement de la musique instrumentale qui ne jouait auparavant qu'un rôle secondaire. Ses possibilités polyphoniques autorisent et suggèrent à la curiosité des musiciens les premiers accords. L'apparition du luth est donc une période clé dans la genèse de l'harmonie occidentale.
Toutefois, le luth des pays d'Europe n'est qu'un individu de la vaste famille des cordophones. Tous les instruments se composant d'une caisse de résonance sphérique ou ovale et d'un manche sur lesquels se tendent des cordes peuvent se ranger dans la catégorie des luths ; en outre, ceux-ci se différencient des harpes et des cithares par la brièveté de leur son. On trouve des luths dans le monde entier et depuis la plus haute antiquité : les civilisations babylonienne et hittite l'utilisent couramment (IIIe millénaire av. J.-C.), ainsi que les Égyptiens dès la XVIIIe dynastie. On le rencontre aussi dans l'Asie antique, où il a d'ailleurs survécu sous des formes variées dans les musiques actuelles. Les Indes fournissent l'exemple de la vina et du sitar, dont le jeu permet d'exprimer un art musical extrêmement raffiné et hautement spirituel. En Chine et au Japon, le k'in et le biwa sont des instruments de musique traditionnelle dont l'apprentissage nécessite une discipline d'ascèse et de purification. On connaît aussi de nombreuses variétés de luths en Afrique, et les pays arabes possèdent un instrument du même genre, dont le nom ancien al-aoud (le bois) est à l'origine du vieux français lut.
Les origines : le luth arabe (al-aoud)
Depuis plusieurs siècles, le luth symbolise la musique traditionnelle dans le monde arabe. Sa forme actuelle semble s'être stabilisée vers 750 avant J.-C., période depuis laquelle il se caractérise par une caisse de résonance particulièrement ronde et profonde, un manche court et étroit terminé par un chevillier renversé en arrière. La table d'harmonie qui recouvre la caisse est en bois résineux, souvent percée de trois roses (qui subsisteront dans le luth médiéval occidental, comme on peut le voir par exemple dans les miniatures ornant les Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse le Sage vers 1250). La plaque de touche est dépourvue de frettes mais la théorie musicale arabe savante sait en calculer les emplacements. Il existe de nombreux autres types de luths comme le koueitra marocain à la forme allongée et dont la table n'est percée que d'une seule rose, le setâr iranien employé pour jouer la musique persane raffinée et également une grande quantité de luths à manche long. Notons enfin que l'aoud classique connaît une version tunisienne plus petite.
L'aoud est joué pour accompagner le chant classique, seul ou avec d'autres instruments d'orchestre, et en solo dans les improvisations – les maqâmat, formules destinées à être développées selon[...]
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Écrit par
- Joël DUGOT
: directeur de la revue
Musique ancienne, luthier d'art (copies de luths et clavecins anciens)
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Média
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ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Musique
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