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LUTH

L'évolution de la technique et du goût

Pendant la première moitié du xviie siècle, la vogue du luth ne faiblit point. Le courant amorcé au Moyen Âge et élargi pendant le xvie siècle se poursuit en se raffinant, parallèlement aux idéaux courtois et précieux. L'instrument est devenu un critère social, un moyen de valorisation personnelle. La bonne éducation ne se conçoit pas sans l'apprentissage du luth, et l'on va même jusqu'à intriguer pour s'assurer l'enseignement d'un luthiste de renom. Acquérir les bonnes grâces d'un « maître » devient chose nécessaire : en effet, les virtuoses cachent jalousement les finesses de leur technique. À ce niveau se développe un certain ésotérisme qui tend à faire du luthiste professionnel une sorte de maître initiateur, ce qui ne va pas sans évoquer le goût marqué des précieux pour l'occultisme. Mais c'est l'âge des corporations, et en particulier de la ménestrandise. Les musiciens, au même titre que les compagnons maçons ou tailleurs de pierre, pratiquent le secret de leur technique. Les titres de recueils publiés à l'époque sont d'ailleurs significatifs : Le Secret des Muses (Nicolas Vallet, 1618), le Thesaurus harmonicus (Jean-Baptiste Besard, 1603), le Trésor d'Orphée (Antoine Francisque, 1600). C'est précisément au début du xviie siècle que la technique de l'instrument se bouleverse : la position de la main droite dans l'axe des cordes, héritage du jeu médiéval au plectre, va être abandonnée au profit d'une position qui met les doigts perpendiculaires aux cordes, ce qui permet au pouce d'aller pincer dans le grave les chœurs de plus en plus nombreux.

En accord avec la sensibilité et la délicatesse de ce siècle, les recherches des luthistes s'orientent vers l'ornementation. Leur réflexion est marquée par deux soucis permanents : la brièveté et la qualité des sons produits. À l'opposé des instruments mélodiques comme le violon ou la flûte, pour lesquels se pose essentiellement le problème de l'attaque, l'entretien du son n'étant pratiquement pas limité, le luth accumule les difficultés : il faut attaquer et en plus trouver le moyen d'entretenir le son en lui conservant sa qualité. Les luthistes apportent deux solutions entièrement nouvelles : le trille qui consiste à marteler rapidement une corde avec un doigt de la main gauche, et le vibrato par lequel le son est relancé par un mouvement latéral de la main. Dans les deux cas, la note jouée, par les différences tensions que subit la corde, s'étend facilement aux commas supérieurs et inférieurs, ce qui donne au son un aspect dynamique et vivant inimitable. La qualité de ces techniques les fit adopter par la plupart des autres instruments.

À l'âge baroque, l'art du luth influence les couches sociales les plus diverses. On en vient ainsi à appeler «   luthiers » des artisans qui fabriquent n'importe quel instrument de musique.

Mais, dès 1640, le luth entre en décadence. Avant d'invoquer l'argument de la faiblesse du son qui aurait rendu le luth inapte à s'intégrer au courant nouveau de la musique concertante, il convient surtout de mentionner un profond changement dans la sensibilité et dans la mentalité musicales. Le goût pour la musique intimiste, pour l'instrument seul, fait place à celui de la musique d'ensemble, c'est-à-dire à une conception nouvelle de l'expression qui se diversifie dans le mélange des timbres et prend une ampleur jusqu'alors inconnue dans l'augmentation de la masse sonore.

La décadence puis la disparition du luth est donc en relation étroite avec une transformation fondamentale des conditions de la vie musicale et en premier lieu de la fonction sociale de la musique. Néanmoins, le luth se maintiendra jusqu'au [...]

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Écrit par

  • : directeur de la revue Musique ancienne, luthier d'art (copies de luths et clavecins anciens)

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Média

Amour jouant du luth, R. Fiorentino - crédits : Rabatti - Domingie/ AKG-images

Amour jouant du luth, R. Fiorentino

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