LUTTE BIOLOGIQUE
Risques, effets non intentionnels et réglementation de la lutte biologique
Aujourd'hui, les procédés de lutte biologique sont utilisés dans le cadre de stratégies de protection intégrée appliquées à la plupart des productions végétales. De ce fait, des études sur l'innocuité des introductions ou de lâchers inondatifs d'auxiliaires exotiques ont été conduites. Les risques non intentionnels sont de deux ordres : un élargissement progressif du nombre d'espèces attaquées par l'auxiliaire, et une compétition exacerbée qui serait néfaste aux auxiliaires indigènes. Ce sont des cas d'introductions de vertébrés (mangoustes ou amphibiens) et d'invertébrés (insectes ou mollusques), aux conséquences parfois désastreuses, qui ont justement sensibilisé l'opinion publique à ces dérives possibles. Une illustration en est donnée par le cas du charançon phytophage, Rhinocyllus conicus, introduit volontairement d'Europe vers les États-Unis à la fin des années 1960, qui, après avoir efficacement réduit de plus de 95 p. 100 les populations d'un chardon invasif, a commencé à s'attaquer à celles d'un chardon indigène. Pour éviter de tels excès, les études prévisionnelles des risques ont été amplifiées. Dorénavant le choix d'auxiliaires se porte sur des parasitoïdes, des prédateurs ou des phytophages spécifiques plutôt que sur des organismes généralistes.
En ce qui concerne les entomophages, leur introduction est également un succès, même si des dérives ont aussi été observées. Ainsi, la coccinelle Harmonia axyridis fut initialement introduite de Chine vers l'Amérique du Nord en 1916 avec un grand succès pour consommer les pucerons de serres, de jardins et de plein champ. Au fil du temps, elle s'est mise à consommer d'autres coccinelles indigènes mais également des fruits, et à provoquer des problèmes d'allergies chez l'homme. L'auxiliaire est ainsi devenu lui-même un ravageur. En Europe, cette dérive a été observée en Allemagne (2000), en Belgique (2001), aux Pays-Bas (2002) et au Royaume-Uni (2004). Pour éviter de tels effets néfastes, la France n'autorise plus que la commercialisation d'une souche mutante aptère qui a été sélectionnée pour sa capacité limitée de dispersion.
Par ailleurs, un autre risque de vulnérabilité lié à l'emploi des procédés biologiques est l'apparition de résistance du ravageur. Contrairement aux pesticides de synthèse, ce problème est peu développé avec les biopesticides puisque seulement 15 espèces d'insectes sur environ 10 000 nuisibles ont développé ce phénomène de résistance. Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer ce faible taux : mode d'action plus complexe, conditions d'usage induisant des taux de contrôle plus faibles, faible fréquence des allèles de résistance dans certaines populations.
Tous ces risques indéniables plaident pour une réglementation des auxiliaires et des biopesticides qui doit porter son attention sur quatre critères : l'efficacité de contrôle des populations de l'espèce cible ; l'impact, a priori limité et évalué, à l'égard de l'environnement ; la compatibilité avec les autres conditions de durabilité de l'agrosystème renfermant l'espèce cible ; l'absence totale d'effet connu sur la santé publique. Actuellement, en France, les auxiliaires de lutte biologique comme tous les autres macro-organismes sont soumis à la loi 95-101 du 2 février 1995 (dite loi Barnier) relative au renforcement de la protection de l'environnement. Cette dernière interdit l'introduction, volontaire ou non, de tout spécimen d'une espèce animale ou végétale non indigène (à l'exclusion des espèces domestiques ou cultivées). Toutefois, l'introduction dans le milieu naturel de spécimens de telles espèces peut être autorisée par l'autorité administrative concernée, à savoir[...]
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Écrit par
- Guy RIBA : directeur délégué général de l'Institut national de la recherche agronomique
- René SFORZA : docteur ès sciences, chercheur entomologiste
- Christine SILVY : ingénieur, documentaliste
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