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LUXUN [LOU-SIUN](1881-1936)

Luxun domine son époque de toute l'autorité que lui ont conférée son œuvre littéraire et son rôle politique, l'une étroitement mêlée à l'autre, au service du peuple chinois et d'une Chine nouvelle libérée de l'héritage féodal. Né dans l'ancienne Chine et mort à la veille de La naissance de la Chine socialiste, il est le fondateur de la littérature chinoise moderne, le novateur hardi de sa langue et de son écriture, le chef de file des idées nouvelles contre les forces conservatrices, qui n'a cessé de regrouper autour de lui les jeunes écrivains et artistes de son temps. Depuis sa mort, aucun mouvement culturel en Chine qui ne se réclame de son esprit et ne cherche dans son œuvre de quoi fonder son propre crédit. L'œuvre de Luxun, très abondante malgré une vie relativement courte, peut rendre compte par sa variété et sa richesse du rôle considérable que son auteur a joué dans la Chine de son temps et de l'influence qu'elle conserve aujourd'hui : nouvelles et contes, souvenirs, poèmes en prose, vers de style ancien ou de formes modernes, études universitaires, traductions, et surtout les Essais ou « variétés », composés de pamphlets et libelles, articles et critiques en réponse directe aux événements littéraires, sociaux et politiques de l'époque ; sans compter le Journal et la Correspondance édités plus récemment. Les Œuvres complètes, dont la traduction en français est en cours, ont fait l'objet d'une nouvelle édition à l'occasion du centenaire de la naissance de Luxun, en 1981.

De la politique par la littérature

Luxun, de son vrai nom Zhou Shuren, est né à Shaoxing dans la province du Zhejiang, au sud-est de la Chine. Son père est un lettré pauvre, qui meurt prématurément en laissant ses fils dans la gêne. Le jeune homme parvient à mener jusqu'au bout des études secondaires en suivant les cours – gratuits – d'écoles occidentales non traditionnelles, et obtient en 1901 une bourse pour le Japon, où il décide d'entrer au collège médical de Sendai. Il pense, en effet, que seule la science moderne peut sauver la Chine et la tirer de son état de pays semi-colonisé et semi-féodal. Mais en 1906 un film, dont il raconte dans la préface de Nahan (Cris d'appel) le bouleversement qu'il lui causa, lui fait prendre conscience que « la médecine n'est pas essentielle. Un peuple ignorant et stupide, malgré une constitution physique saine et robuste, ne peut fournir que du matériel et des spectateurs pour pilori [...]. Il est bien plus urgent de changer l'esprit de ce peuple. » Et pour cela, dit-il, « les moyens les plus efficaces me semblent être les lettres ». Il décide donc de se consacrer « à l'essor du mouvement artistique et littéraire ». De ce jour, et jusqu'à la fin de sa vie, il ne cessera de servir cet idéal, sans jamais perdre conscience, ni laisser autour de lui perdre conscience, que ce but est le moyen d'un autre but, politique celui-là et donc essentiel, de faire rattraper à la Chine ses siècles de retard sur les nations modernes et « sauver » ainsi le peuple chinois.

Autour de 1907, avec plusieurs autres essais présentant Darwin et la science occidentale moderne, Luxun publie La Force des poètes de Mara (Moluoshi lishuo), où il propose en modèles à la jeunesse chinoise les grands « rebelles » occidentaux tels Nietzsche, Byron, Shelley, Pouchkine, Lermontov, Petöfi et Mickiewicz. C'est l'entrée en Chine du romantisme révolutionnaire et de l'individualisme qui exerceront leur influence quelque dix ans plus tard sur la société littéraire Création (Chuangzao) lancée par Guo Moruo.

En 1911, la bourgeoisie chinoise, dirigée par Sun Yat-sen, fait sa révolution et instaure la république. Le jeune Luxun, qui y voit la réalisation de ses espoirs, est alors de retour en Chine depuis[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de jeunes filles, agrégée de l'Université (lettres), docteur d'État, professeur honoraire à l'université de Paris-VIII, département de littérature générale, domaine chinois

Classification

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