LYCÉE, Antiquité
Dans le portique d'Athènes consacré à Apollon Lycéios, situé en bordure de l'Ilissos et orné par Périclès, Aristote s'installa pour professer et converser en se promenant avec ses disciples. De cette coutume vient aussi le nom d'école péripatéticienne dont on use pour désigner le Lycée (Λ́υκειον). Après Aristote, l'école eut à sa tête les scolarques Théophraste (322-287), Straton de Lampsaque (287-268), fils d'Arcésilas, Lycon de Troade (268-224). On cite encore après eux Ariston de Céos, Ariston de Cos et sans doute Critolaos. Andronicos de Rhodes édita les écrits scientifiques d'Aristote vers 60 avant J.-C. Le Lycée compte peu d'individualités brillantes à part Théophraste et ses contemporains : Dicéarque de Messine, Aristoxène de Tarente et Démétrios de Phalère.
L'œuvre de Théophraste
Métaphysique
Théophraste (« divin parleur ») est le surnom donné à Tyrtamos d'Érèse par son maître Aristote. Les problèmes philosophiques qu'il aborda sont les mêmes que ceux qu'avait formulés le Stagirite. Mais l'on peut dire, si l'on accorde crédit aux vues de W. Jeager sur le développement de la pensée aristotélicienne, qu'il a poursuivi ses recherches pour résoudre au plan de la physique les questions posées auparavant en termes de métaphysique. Dans les neuf fragments qui nous restent de sa Métaphysique, Théophraste met en lumière la difficulté de considérer le Premier Moteur comme la cause nécessaire à l'explication du mouvement, rapporté à la nature même du réel ; il lui paraît vain de vouloir rechercher la raison de toutes choses : la démarche téléologique et l'importance accordée à la finalité lui semblent suspectes. Beaucoup de choses n'obéissent pas au Bien : la nature n'agit pas toujours en vue d'une fin. On comprend à la vue de ces opinions qu'Andronicos de Rhodes ait douté de l'authenticité de ces fragments et qu'il ait fallu attendre Nicolas de Damas (env. 40 av.-env. 20 apr. J.-C.) pour que fût reconnue la parenté de cette analyse avec les recherches d'Aristote sur le hasard et la fortune.
Anthropologie
En morale, Théophraste ne renie pas Aristote. La supériorité de la vie contemplative et le désir de se rendre semblable à Dieu sont maintenus comme l'exigence d'une âme tournée vers le bonheur et dont le mouvement est la disposition essentielle. Cependant Cicéron lui reproche une morale relâchée, accordant aux biens extérieurs et aux privilèges des circonstances une trop grande importance. En fait, on rencontre ici une tendance à l'analyse des conditions de l'action morale qui se retrouvera dans les De officiis du stoïcien Panétius et de Cicéron lui-même.
Son œuvre la plus célèbre, Les Caractères, que devaient imiter l'académicien Héraclide Pontique, Lycon, l'épicurien Philodème et, au xviie siècle, La Bruyère, pose de difficiles problèmes d'interprétation. O. Navarre, en France, et J. M. Edmonds, en Angleterre, ont souligné l'harmonieuse ordonnance littéraire et les étapes de la composition de cette galerie de portraits où sont croqués sur le vif des caractères malhonnêtes ou pathologiques de personnages du sexe masculin. Mais sans doute Théophraste y est-il plus encore qu'un portraitiste expert ou un psychologue inspirateur du comique Ménandre ; car on a tendance aujourd'hui à considérer qu'il reprend la tradition d'études de caractérologie inaugurées au cours de la seconde moitié du ve siècle avant J.-C. par le sophiste et empiriste Hippias. Ces portraits pourraient avoir pour origine une enquête anthropologique sur les anomalies et les déviations pathologiques de l'âme ou du moteur humain. Avec ces esquisses caractérologiques, l'anthropologie cesse d'être universelle, pour scruter les motivations prochaines du[...]
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Écrit par
- Jean-Paul DUMONT : professeur à l'université de Lille-III
Classification
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