DATTAS LYDIE (1949- )
Lydie Dattas est l'auteure d'une dizaine de livres aussi denses que flamboyants. Son œuvre compacte et drue porte à leur extrême point de tension le vers, le poème en prose, la lettre spirituelle ou le récit autobiographique.
Lydie Dattas est née le 19 mars 1949 à Paris, d'une mèreactrice de théâtre et d'un père compositeur et organiste, titulaire de l'orgue de chœur de Notre-Dame de Paris. De sa petite enfance, la benjamine de la famille se découvre une âmetraverséepar un sentiment d'abandon et portée par un don d'amour absolu. Les pièces autobiographiques et poétiques de L'Expérience de bonté (1999) en ressuscitent un souvenir déterminant : durant l'été 1953, la fillette, en colonie de vacances, coupée des siens et malade, est soignée par une religieuse à l'hôpital d'Heinlex ; celle qui se sent abandonnée en fait son icône. Ce même visage d'amour illumine deux autres de ses anges gardiens, sa grand-mère paternelle, Maria Miou, sacristaine illettrée, et son père, Jean Dattas qui,en raison de la fragilité psychique de son épouse, sacrifiera sa carrière d'organiste à Notre-Dame et émigrera à Londres en 1955.
« J’ai passé ma jeunesse à chercher la beauté »
L’agapè altruiste et rédemptrice va ainsi constituer le fil secret de toute son œuvre : les poèmes de Noone (1970) en livrent les premiers « éclats parfumés d'enfer ». Plus tard, dans La Nuit spirituelle (1994), suite de poèmes en prose adressés à Jean Genet, Lydie Dattas affirme que sa condition de femme la condamne à porter l'éternité de la faute et la chasse de tout paradis spirituel. C'est en vivant jusqu'à l'extrême cette « malédiction » qu'elle pourra rejoindre une paradoxale beauté. Cette épreuve se prolonge dans la méditation des tableaux outrenoirs de son ami Pierre Soulages : inspirée de ses « icônes barbares », La Blonde (2014) illustre cette plongée visionnaire dans la nuit primitive, jusqu’à la transfiguration lumineuse.
Durant les années 1960, l'adolescente londonienne, prise entre deux langues, choisit définitivement le français et trouve refuge dans la lecture (Nerval, Novalis, Nietzsche, Michaux... et Rimbaud). Les proses véhémentes du Carnet d'une allumeuse (2017), qui transposent la Saison en enfer au féminin, subliment l'anathème d'une jeune fille écartelée entre l'inconscience altière de sa beauté, la vanité fardée de ses jeunes condisciples et la revendication d'une féminité authentique.
En 1971, Lydie Dattas rencontre le poète Jean Grosjean, ce « prophète ignoré » ; elle épouse le gitan Alexandre Bouglione (le futur poète Alexandre Romanès). Le dompteur a quitté sa famille pour une vie de pauvreté nomade ; Lydie Dattas apprend la langue romani ; ensemble, ils créent le cirque Romanès (1994). Dans la suite des brèves pièces autobiographiques de La Foudre (2011), Dattas tresse en une poignante épopée ses souvenirs d’enfance avec sa nouvelle vie : d'un côté, le théâtre, passion de sa mère et le sacerdoce musical de son père, de l'autre, le « palais des illettrés » du Cirque d’hiver, auprès de la famille Bouglione. Le Livre des anges (2003) fait tourner jusqu'au vertige ses cycles de poèmes versifiés : les strophes rappellent les rondeaux médiévaux ; les vers superposent les propositions indépendantes et privilégient la parataxe. Autobiographique et lyrique, sa poésie chante le désir et l'amour absolus en jouant sur des images fondamentales : le lys blanc et la rose, la neige et la nuit, l'azur et la beauté, le sang et la mort… forment une succession musicale de leitmotive.
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Écrit par
- Yves LECLAIR : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain
Classification
Média
Autres références
-
BOBIN CHRISTIAN (1951-2022)
- Écrit par Yves LECLAIR
- 1 238 mots
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