SALVAYRE LYDIE (1946- )
Lydie Salvayre, née Lydie Arjona, née le 15 mars 1946, de réfugiés politiques du franquisme, passe son enfance dans une cité à Auterive, près de Toulouse. Après une licence de lettres, les événements de Mai-68 et le diagnostic de psychose paranoïaque posé sur son père la poussent à devenir psychiatre. Elle épouse en 1974 Robert Salvayre, médecin, dont elle se sépare en 1979. Elle commence à écrire et à publier dans des revues à la fin des années 1970. En 1990 paraît La Déclaration, écrit en quelques mois et envoyé par la Poste. Elle devient la compagne de Bernard Wallet, qui va créer en 1997 les éditions Verticales. Elle mène de front avec son travail d’écrivain son activité de pédopsychiatre, dans des dispensaires, à Argenteuil puis Bagnolet, où elle côtoie des immigrés du monde entier.
Dans ses romans suivants, elle explore les aliénations contemporaines, mises en sourdine par les conventions sociales et l’étouffoir de la cellule familiale. La Vie commune (1991) décrit l’imbrication des rapports de domination plus ou moins consentis au bureau ou en famille. La Médaille (1993) évoque le laminoir du monde du travail à travers le dispositif ironique d’une cérémonie de remise de médailles, où les discours se répondent pour mettre en scène l’inégalité de l’accès à la parole, sur fond d’émeute carnavalesque.
Dénoncer par le rire
Lydie Salvayre associe ainsi souvent comique et violence pour dénoncer les rouages du système capitaliste : les huissiers dans La Compagnie des spectres (1997), qui lui vaut le prix Novembre ; les policiers dans Passage à l’ennemie (2003) ; une écrivaine qui met sa plume au service d’un mécène arrogant et misogyne dans Portrait de l’écrivain en animal domestique (2007) ; une veine reprise dans son Irréfutable Essai de successologie(2023). À propos de Tout homme est une nuit (2017), elle dit s’être sentie tenue par son histoire d’écrire sur le rejet de l’autre et la xénophobie qu’elle ressentait en France.
Mêlant le rire – noir ou malicieux, gargantuesque ou ironique – au tragique, elle excelle dans l’art de saper les postures d’autorité et utilise volontiers la grivoiserie comme arme contre la langue de bois. Sa formation médicale, ses goûts littéraires (Rabelais et le comique du bas corporel que décrit Bakhtine à son propos) et son origine espagnole (le baroque et le « mauvais goût ») l’incitent à ne pas détourner les yeux de la nudité, voire de l’intérieur, du corps – sécrétant, souffrant, jouissant –, pour se protéger du pathos. Salvayre fait aussi de la création littéraire un dialogue permanent avec les écrivains du passé : Pascal dans La Puissance des mouches (1995), Descartes dans La Méthode Mila (2005), Cervantès dans Rêver debout (2021). Elle cite aussi Montaigne, Quevedo, Sterne, Kafka, Céline, Beckett, Chevillard, et brosse dans Sept Femmes (2017) les portraits d’auteures qu’elle aime : Emily Brontë, Djuna Barnes, Sylvia Plath, Colette, Marina Tsvetaeva, Virginia Woolf et Ingeborg Bachmann.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Christine GENIN : agrégée de lettres, docteure ès lettres, conservatrice à la Bibliothèque nationale de France
Classification
Média
Autres références
-
ROMAN - Le roman français contemporain
- Écrit par Dominique VIART
- 7 971 mots
- 11 médias
La Marque du père de Michel Séonnet (2007) évoque, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’engagement paternel dans la division Charlemagne ; Pas pleurer (2014) de Lydie Salvayre revisite, à travers la mémoire défaillante d’une mère et des extraits scandalisés des Grands Cimetières sous...