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FEININGER LYONEL (1871-1956)

La vie et l'œuvre de Lyonel Feininger semblent être, au premier abord, en parfaite contradiction. En effet, son périple social et historique personnel est plutôt complexe, alors que son travail pictural apparaît, au fil des décennies, marqué par une incontestable progression dans la sérénité.

Un parcours singulier

Sa famille avait quitté l'Allemagne après la révolution de 1848 pour s'installer aux États-Unis. Le peintre naît à New York en 1871 et sera poussé par ses parents, illustres musiciens, vers la pratique de la musique classique. « La musique a été la première influence marquante dans ma vie, surtout Bach. [...] Sans la musique, je pense que je n'aurais pas été peintre... » Il avait toutefois conscience du fait que la synthèse des deux expressions était vouée à l'échec.

L'architecture verticale new-yorkaise et l'activité portuaire de la métropole vont le marquer, au niveau esthétique, de manière permanente. Prismes, rectangles, diagonales transparentes, structures en acier qui s'élancent vers le ciel s'impriment dans sa mémoire. Il affirmera que, dès l'âge de cinq ans, il dessinait des sujets perçus dans New York et élaborés par son imagination. Ses parents l'emmènent au Metropolitan Museum, où il est saisi par des images d'architecture gothique, dont les échos vont se faire sentir dans une grande partie de son œuvre. On verra alors apparaître ces nombreuses compositions qu'on pourrait considérer comme les traces, lumineuses et transparentes, des cathédrales.

En 1887, Lyonel Feininger quitte les États-Unis pour l'Allemagne afin de poursuivre ses études musicales. L'expérience ne lui manquait pas, car il avait déjà donné un concert aux États-Unis et composé plusieurs fugues. Toutefois, arrivé en Allemagne, il décide de devenir peintre et s'inscrit à la Kunstgewerbeschule de Hambourg, puis à l'académie des Beaux-Arts de Berlin. En 1892, il est à Paris où il fréquente pendant six mois l'école de Colarossi, puis retourne à Berlin en 1893.

Pour gagner sa vie, Feininger réalise alors des affiches et de nombreuses illustrations pour des périodiques allemands et américains. En 1906, il réalise deux séries de dessins comiques pour le Chicago Sunday Tribune, travaux surprenants au sein de son œuvre si dépouillée, austère, concise, ainsi que les aventures d'enfants turbulents dans la bande dessinée Der kin-der-kids. On voit aussi apparaître dans ses dessins et dans ses tableaux des personnages filiformes, anguleux et déformés, mais aussi subtils et originaux. Ils évoquent certains dessins de Paul Klee de la même époque, tels Vierge dans l'arbre (1903). Le tableau Am Strande (Sur la plage, 1913, Centre Georges-Pompidou, Paris) montre sans ambiguïté l'influence de l'esthétique de l'irrégularité grotesque sur une composition axée en grande partie sur le paysage très géométrisé. Les déformations des personnages sont encore présentes, mais les éléments du paysage annoncent déjà presque toutes les options spatiales à venir.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

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