LYOPHILISATION
Article modifié le
Applications
La qualité primordiale de la lyophilisation est son aptitude au stockage de substances fragiles pendant de longues périodes en absence de tous soins et cela sans altération. L'inconvénient majeur est son prix de revient relativement élevé. C'est donc la comparaison entre ces deux éléments qui doit déterminer le choix ou l'abandon de cette technique. Trois domaines principaux se partagent le champ de ses applications : le domaine alimentaire, le domaine de la microbiologie et des laboratoires de recherche qui traitent des substances fragiles (enzymes par exemple), le domaine médical.
Lyophilisation des produits alimentaires
Le prix de revient de l'opération freine la vulgarisation du procédé. La surgélation est évidemment une concurrente de la lyophilisation, du fait que cette dernière nécessite en plus de la congélation, une déshydratation ; mais le stockage et le transport tendent à rétablir l'équilibre. En effet, un produit surgelé suppose l'apport énergétique d'une chaîne du froid continue jusqu'à sa consommation. De plus, son transport est alourdi par une quantité d'eau fort importante. Au contraire, un produit lyophile est stocké et manipulé sans précautions à la température ambiante, et son poids est réduit au minimum. Cette comparaison entre lyophilisation et surgélation montre que la cryodessiccation a sa place parmi les procédés de conservation des substances alimentaires.
La lyophilisation conserve pratiquement intactes toutes les qualités du produit frais (caractères organoleptiques, caractéristiques nutritionnelles), alors que les techniques ordinaires, hormis la surgélation, dégradent les protides, caramélisent les sucres, décomposent les substances colorantes, changent la saveur et le degré d'assimilation, sans parler de la destruction partielle ou totale de certaines vitamines. La lyophilisation conserve les vitamines A, B et C à des taux très proches du produit frais, et cela même après de nombreux mois de stockage.
Bien que ce procédé permette la conservation des souches microbiennes, comme on le verra, il y a pourtant destruction d'une quantité importante de la population bactérienne de contamination. En conséquence, on obtient une épuration des denrées traitées, se traduisant par une amélioration de la qualité hygiénique.
Pratiquement tous les aliments sont susceptibles d'être lyophilisés. Certains peuvent être traités directement, tels les légumes, les jus de fruits, le café, le lait, les liquides en général. D'autres doivent être préparés de façon particulière. Les fruits volumineux, les viandes, les poissons sont découpés ou décortiqués, car il est souhaitable de choisir des fragments de grande surface et de faible épaisseur. La durée de conservation dépend tout particulièrement du mode de conditionnement, mais la plupart des produits ali mentaires lyophilisés et convenablement conditionnés ont une durée de conservation pratiquement indéfinie (jus de fruits, légumes, lait, café). Certains pourtant sont susceptibles de subir une oxydation pendant le stockage ou un brunissement de nature enzymatique, dont l'intensité est fonction de l'humidité résiduelle. Ainsi, par exemple, les poissons frais, riches en lipides, ne peuvent guère être mis en réserve plus de six à huit mois.
Lyophilisation en microbiologie
Le problème de la lyophilisation des bactéries ou des virus se pose de deux façons différentes :
– Ou bien il s'agit de conservation de souches microbiennes, et on cherche alors à garder en vie un nombre d'éléments suffisants pour que, placés dans des conditions favorables, ils se multiplient et redonnent la souche de départ.
– Ou bien, au contraire, il s'agit de vaccin : il faut d'abord, et avant tout, sauvegarder le pouvoir vaccinant. Ce pouvoir est en rapport direct avec le nombre de bactéries ou de virus inaltérés présents dans le vaccin. Or, sans précautions spéciales, la lyophilisation peut détruire 95 à 98 p. 100 de la population et même davantage. Dans ces conditions, un vaccin vivant serait absolument inefficace.
Le but de la conservation des souches peut se définir de la façon suivante : conserver vivant un nombre d'éléments suffisants pour obtenir une subculture ; conserver le plus longtemps possible la vie des organismes lyophilisés (quelques années et même quelques dizaines d'années) ; conserver sans altération leur morphologie, leur réaction tinctoriale, leurs propriétés biochimiques et biologiques, particulièrement leur pouvoir pathogène et leurs caractéristiques antigéniques.
Pour atteindre le but recherché, il faut utiliser des substances qui protègent les germes des effets nocifs de la lyophilisation. C'est ainsi qu'on peut faire la suspension bactérienne dans du sérum de bœuf préalablement chauffé pendant une demi-heure à 56 0C. Le lait écrémé est très favorable dans de nombreux cas.
La lyophilisation étant susceptible de détruire un pourcentage très important de bactéries, on est obligé de faire des suspensions bactériennes très denses. En effet, s'il y a 95 p. 100 de destruction, il reste 5 p. 100 de survivants. Sur 5 ou 10 milliards, on dispose encore d'un nombre très élevé de germes prêts à se multiplier dans les conditions favorables ; ces bactéries lyophilisées resteront encore revivifiables après de nombreuses années.
Un nombre considérable d'espèces bactériennes se conserve à l'état lyophile pendant dix, quinze, vingt ans sans précautions particulières. Malheureusement, certains germes (vibrions) ne peuvent être lyophilisés, soit parce qu'ils ne donnent plus de subcultures, soit parce qu'ils se conservent pendant des temps trop courts pour justifier l'emploi de cette technique.
Les rickettsies sont des organismes très fragiles. P. Giroud a trouvé le moyen de les conserver en lyophilisant soit les déjections des poux, soit les poux eux-mêmes qu'elles parasitent. Quant aux spirochètes, ils ne supportent pas le procédé. Le Treponema pallidum, agent de la syphilis, peut être congelé à − 70 0C ou − 80 0C avec succès, mais il ne peut être desséché à cette température.
Lyophilisation en médecine
La lyophilisation a déjà rendu de très grands services en médecine humaine et vétérinaire.
Médecine humaine
La lyophilisation sert à conserver des tissus, principalement le sang. Complet (globules et plasma), le sang se conserve à 4 0C, mais pendant un temps limité du fait de l'altération relativement rapide des globules. On a donc pensé à recueillir le plasma qui peut rendre de grands services : dans le rétablissement du volume sanguin circulant comme apport de facteurs de coagulation et d'éléments immunitaires, et accessoirement comme apport protéique. On peut le conserver à l'état congelé ; mais, lyophilisé, les risques d'altération sont bien moindres. Actuellement, les grands centres de transfusion sont tous équipés pour préparer du plasma sec. Les connaissances s'étant précisées sur le rôle des différents composants du plasma, on le fractionne et on recueille la sérum-albumine, le fibrinogène, les globulines, etc. Pour conférer l'immunité à un individu, il paraît en effet inutile, voire nuisible, d'injecter de grandes quantités de plasma lorsque seule la fraction globulinique est intéressante.
Des greffons osseux, vésiculaires ou cornéens sont eux aussi des exemples de tissus lyophilisés. Dans ce cas, la lyophilisation semble opérer une sorte de « déspécification », au moins dans le tissu osseux : « Il faut admettre que le froid intense cause dans le tissu osseux des modifications profondes qui leur ôtent en quelque sorte leur spécificité. » (J. Judet).
Une autre application médicale de la lyophilisation est la présentation de certains vaccins sous forme desséchée. Cette présentation assure une très bonne conservation, même dans des conditions climatiques défavorables. Il existe deux types de virus entrant dans la composition des vaccins : un premier groupe supporte bien la dessiccation à la température ordinaire et par conséquent ne pose pas de problème pour la lyophilisation (le virus vaccinal – vaccin antivariolique – par exemple) ; un second groupe présente une grande fragilité et sa cryodessiccation doit être conduite avec rigueur pour obtenir le résultat escompté : le type même de ce groupe est le virus amaril (agent de la fièvre jaune).
Médecine vétérinaire
Dans ce domaine, la lyophilisation s'est révélée indispensable. Ce fait tient à différentes raisons : le transport et la conservation des médicaments vétérinaires sont des problèmes plus aigus qu'en médecine humaine, parce que l'arsenal prophylactique et thérapeutique vétérinaire est plus important et plus nuancé qu'en médecine humaine, par le simple fait que les espèces animales à soigner sont très variées ; on pratique plus souvent qu'en médecine humaine des vaccinations par vaccins vivants (bactéries ou virus). Or les méthodes d'immunisation sont difficiles à mettre en œuvre avec des vaccins non lyophilisés.
Les principales applications en médecine vétérinaire sont donc : la lyophilisation des vaccins à base de bactéries ou de virus et la lyophilisation de tissus et de cellules, tel le sperme pour l'insémination artificielle. Dans ce dernier cas, la phase de congélation ne pose plus de problèmes lorsqu'on dilue le liquide séminal dans une solution constituée de glycérine et de sucre ; la difficulté réside dans la phase de dessiccation.
En conclusion, la lyophilisation a de nombreuses applications. Son extension dans le domaine de la conserverie a été freinée par le prix de revient un peu élevé du produit fini, celui-ci diminue avec les nouveaux procédés industriels, qui contribuent à une meilleure vulgarisation. En microbiologie, la lyophilisation s'étend également aux produits pharmaceutiques.
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Charles ROMOND : professeur de bactériologie à l'université du droit et de la santé de Lille-II
Classification
Médias
Autres références
-
ALIMENTATION (Aliments) - Technologies de production et de conservation
- Écrit par Paul COLONNA
- 7 416 mots
- 3 médias
Lalyophilisation, procédé de séchage à froid (— 40 à — 50 0C), préserve très bien les structures fortement hydratées qui supportent mal les séchages à l'air chaud. Elle utilise le principe physique de la sublimation, c'est-à-dire le passage d'un élément (ici l'eau) de l'état solide à l'état... -
FROID, physique
- Écrit par Jean MATRICON et Georges WAYSAND
- 4 043 mots
- 2 médias
La préparation de substances parlyophilisation consiste à évaporer directement sous vide une solution congelée et maintenue à très basse température ; l'eau sous forme de glace s'évapore, il reste une poudre très divisée. Cette méthode est très employée, que ce soit dans l'industrie alimentaire (café... -
LÉGUMES
- Écrit par Jean-Yves PÉRON
- 7 083 mots
- 3 médias
– leslégumes lyophilisés (la lyophilisation est une congélation rapide suivie d'une déshydratation sous vide), parmi lesquels nous retrouvons surtout des espèces à haute valeur commerciale et dotées d'une richesse en substances aromatiques, bien conservées par ce procédé industriel. L'ail et l'oignon...
Voir aussi