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LYRISME

Le lyrisme persan

On a donné bien des définitions pour le lyrisme, depuis le recours à l'étymologie (« toute poésie accompagnée par la lyre ») jusqu'à la platitude de Paul Valéry (« le développement d'une exclamation »). Au vrai, c'est, avant tout, un cri ; les Iraniens disent : « un chant » (ghenâ). C'est l'expression intime, condensée, cadencée, d'une « strophe » dont le lien avec la musique est évident. La forme, en persan, du poème lyrique va du bref distique ou « quatrain » – robâ'i d'Omar Khayyâm (1048-1131) ou masnavi des 25 000 vers de Jalâloddin Rumi (1207-1273) – au ghazal de cinq à six distiques où triomphe Hâfez de Shirâz (mort en 1389). On remarquera que tous ces termes techniques sont arabes et que la poésie iranienne a dû couler ses oppositions de timbres vocaliques (a/â, e/i, o/u) dans le moule sémitique des différences de « quantité » ou de « longueur ». Louis Massignon faisait, en 1950, à propos de Shushtarî, le « Verlaine andalou » enterré à Damiette en 1269, cette observation capitale : « Au lieu que, en poésie [arabe] classique, l'accent est mis sur le premier vers, coup d'archet (Mutanabbî), en muwashshaḥ [chanson ou stance], l'accent est mis sur le dernier vers, flèche suprême » ou kharja.

Thèmes privilégiés

Ces formes (dont les poètes modernes font éclater la rigidité) ne sont qu'un cadre pour des thèmes privilégiés, dont la note dominante est érotico-mystique, autour de cet « angélisme » uranien que Massignon appelait si bien « le désir du ciel, sans le désir de Dieu ». D'orthodoxie sunnite ou de tendance shī‘ite, le poète lyrique persan chante d'abord la beauté – qui, dans sa langue, n'a pas de genre et, dans l'usage, pas de sexe. Si la grammaire permet d'être précis, l'éphèbe (pesar) l'emporte, le plus souvent, sur la nymphe et l'ambiguïté du mot bot (idole) permet toutes les équivoques. On dissertera sans doute indéfiniment sur le « symbolisme » du lyrisme persan : le vin et les beaux garçons doivent-ils être pris à la lettre, ou faut-il y voir le vocabulaire métaphorique cher aux amants divins, aux orants ivres de Dieu ? Le débat demeure ouvert. Peut-être, après tout, chaque mot a-t-il trois sens, chaque texte trois versions superposées, comme, toutes proportions gardées bien entendu, dans le jargon de Villon, si habilement décodé par Pierre Guiraud (Le Jargon de Villon ou le Gai Savoir de la Coquille, 1968) d'après les archives du procès de Dijon (1455). Les hommes de foi crieront au blasphème, mais les libertins se réjouiront et les esprits curieux s'interrogeront.

L'Iran reste frappé au coin de la Chine. Haute terre d'Asie centrale, il est le pays des mangeurs de riz, des fumeurs d'opium, des miniaturistes broyeurs de gemmes et manieurs de poil d'écureuil, de la musique lancinante et martelée, du jardin clos sur le kiosque central, des carreaux de faïence dorée, des tapis blasonnés qui lui tiennent lieu de vitraux, et d'une prédilection dialectique pour le contraste éternel entre le scepticisme et le mysticisme, double pente transcendante de l'esprit humain. Le lyrisme persan exprime le temps qui passe et le précaire instant que, dans un souffle, il faut saisir, la prédestination qui laisse peu de part au libre-arbitre, la mort inéluctable et le seul bonheur que le plus démuni puisse goûter sans frais : celui de contempler la triple fraîcheur de la verdure, de l'eau vive et des beaux visages. Tout au fond, on sent sourdre le désespoir. Car tout n'est qu'apparence, comme l'a dit Khayyâm : « Un rêve, une illusion, une fraude, un instant ». Nicholson (1921) donne, de cette idée de base, l'admirable version arabe : le monde est « une pensée à l'intérieur d'une pensée à l'intérieur d'une pensée » (« [...]

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<it>Portrait de Kakinomoto no Hitomaro</it>, Enku - crédits : M. De Fraeye/ AKG-images

Portrait de Kakinomoto no Hitomaro, Enku

Lamartine - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Lamartine

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