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LYSSENKO (AFFAIRE)

Ni Lamarck ni Darwin : Lyssenko

Pour Staline, les sciences sont des applications des lois universelles de la dialectique. Si elles n'y obéissent pas, c'est qu'elles reposent sur une conception fausse. En ce qui concerne la biologie, un mouvement dialectique est à l'œuvre dans chaque organisme, qui tend à le faire évoluer par sa dynamique interne vers un état meilleur. L'homme n'échappe pas à ce mouvement et l'homme nouveau est en quelque sorte préfiguré par sa dialectique interne. Dans cette relecture stalinienne du marxisme, l'influence du milieu est déterminante. Le milieu oriente le flux dialectique. Il s'agit d'une véritable métaphysique de la nature. L'existence de gènes, dont le déterminisme exclurait le rôle central du milieu, est rejetée et avec elle celle de la distinction entre soma et germen due à Weismann, et enfin la théorie chromosomique de l'hérédité due à Morgan. La génétique classique est déclarée science fausse parce que ses fondements idéologiques (le déterminisme génétique) sont faux. Elle est dénoncée comme bourgeoise, puis fasciste du fait des récents errements « scientifiques » des nazis.

Une génétique prolétarienne doit voir le jour. Lyssenko et Prezent s'y attellent. L'importance accordée aux caractères acquis sous l'influence du milieu fait songer au néo-lamarckisme. Mais le lyssenkisme n'est ni darwinien ni lamarckien, il est une production sui generis. Pour Lyssenko, l'unité de transmission héréditaire est la cellule dans son ensemble, qui est elle-même un concentré des conditions du milieu assimilées au cours des générations précédentes. Pour produire un changement de caractère, voire un changement d'espèce, il faut bousculer ce « concentrat ». Lyssenko propose deux méthodes : la greffe, au cours de laquelle les hérédités du greffon et du porte-greffe vont se mélanger ; le croisement de formes végétales différentes produisant des hybrides instables sur lesquelles le milieu a une forte prise. Les caractères nouveaux qui apparaissent sont immédiatement acquis et il n'est nul besoin de reproduire l'ébranlement des organismes. De nombreux auteurs ont pu ainsi définir le lyssenkisme comme renvoyant à la préhistoire de la biologie. On voit la différence d'avec Lamarck et l'irréductibilité absolue à la théorie chromosomique de l'hérédité. On voit surtout la parenté avec la dialectique selon Staline.

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

Médias

Portrait de Trophim Lyssenko - crédits : Bettmann/ Getty Images

Portrait de Trophim Lyssenko

Portrait de Staline - crédits : Library of Congress, Washington, D.C.

Portrait de Staline

Portrait de Nicolaï Vavilov - crédits : Library of Congress, Washington, D.C.

Portrait de Nicolaï Vavilov