FUNNY GAMES U.S. (M. Haneke)
Funny Games U.S. (2008) se présente comme une « copie » assez fidèle du film éponyme autrichien de 1997, réalisé par le même Michael Haneke. Pourtant, la période et le pays de l'action ayant changé, c'est un film différent qui en émerge concrètement. Si le cinéaste a cru nécessaire de revenir sur ce précédent travail, c'est, peut-être par défi, mais également par nécessité. Depuis vingt ans, il traque et dépeint les dysfonctionnements sociaux, qu'ils aient lieu au sein d'un cadre familial rigoureux ou au cœur des cités.
Il en résulte deux types d'œuvres : les films dits de chambre (ou de huis clos) et les films choraux. Dans la première catégorie – qui, à part les deux Funny Games, n'offre pas de fiction totalement coupée du monde –, on trouve Le Septième Continent (1989) et Benny's Video (1992) et, dans la seconde, 71 Fragments d'une chronologie du hasard (1994), et Code inconnu (2000). La famille hanekeienne est composée de trois membres : un père, une mère (tous deux proches de la quarantaine) et un enfant entre huit et quatorze ans (presque toujours un garçon, à l'exception du Septième Continent). Dans la première série de films de chambre, le danger qui va éroder et détruire la cellule familiale naît à l'intérieur de celle-ci : dans l'opera prima, le sentiment d'inutilité qui s'empare du chef de famille devant la répétition de rites sociaux perçus comme aliénants le conduit au suicide collectif. Quant au fils adolescent de Benny's Video, qui vit par procuration à travers un flux de programmes télévisés, il commet un crime que ses parents tentent de dissimuler.
Haneke peut sembler, à la lumière de ces films, un cinéaste froid et misanthrope. Il reste que 71 Fragments d'une chronologie du hasard (1994) et Code inconnu (2000) passent au peigne fin tous les malaises sociaux qui rendent l'existence invivable dans les métropoles (Vienne et Paris) : lois rigides, racisme, incompréhensions diverses.
Funny Games va opérer une « révolution copernicienne » à l'intérieur du film de huis clos : cette fois, la famille est attaquée de l'extérieur par des étrangers dont les motivations sont des plus floues. Dans Caché (2005), le père sera, lui aussi, persécuté par des forces hostiles. Mais, son attitude passée apporte des éléments d'explications.
On ne saurait donc prétendre que Funny Games U.S. se réduise à un simple exercice de style. Haneke est un moraliste qui se veut pédagogue, un témoin de son temps, inquiet, qui hésite à opter pour une idéologie. Dans les deux versions du film, il met en scène, sur une durée réduite (de 17 heures à 9 heures le lendemain), une famille composée du père, George, de la mère, Ann et de leur fils d'environ huit ans, obligés de faire face à deux jeunes gens venus de nulle part, Paul et Peter, qui les humilient et les tuent. Haneke affirme qu'il s'attaque à l'emprise des technologies modernes (télévision, Internet) qui banalisent la violence. Cela semble clair, de prime abord, dans le Funny Games autrichien où le plus froid et méthodique des deux tueurs est interprété par le même acteur (Arno Frisch) que celui qui interprétait le rôle du fils assassin de Benny's video. Il s'agit pourtant là d'un faux-semblant : c'est la société autrichienne et son passé qui en sont la cible principale.
En réalisant le remake de son propre film, le cinéaste souhaitait rendre son nouveau long-métrage accessible aux Américains, dont il critique les films de genre, bâtis autour de la violence selon des conventions qui la recyclent dans des sagas virtuelles proches du jeu vidéo.
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Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
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