M. KEYNES ET LES " CLASSIQUES ": PROPOSITION D'UNE INTERPRÉTATION, John R. Hicks Fiche de lecture
Dès sa parution en 1936, la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie de John Maynard Keynes fait l'objet de lectures plurielles dont le but est de modéliser les traits essentiels de l'ouvrage et d'engager une comparaison avec le modèle « classique » (au sens de Keynes, c'est-à-dire d'Adam Smith à Arthur Cecil Pigou). Centrée sur la notion de préférence pour la liquidité, l'interprétation proposée par John Hicks (1904-1989), en 1937, dans « Mr Keynes and the „classics“ : A suggested interpretation », fournit un cadre de référence à la macroéconomie keynésienne jusque dans les années 1960. Hicks y introduit ce qui deviendra le fameux diagramme IS-LM qui décrit la formation de l'équilibre simultané sur le marché des biens et sur celui de la monnaie. Il ouvre ainsi la voie à la synthèse néo-classique, autour de Paul Samuelson.
Le modèle original : SI-LL
Hicks procède en trois temps. Il établit tout d'abord une version monétaire (section I), à court terme, de la théorie « classique », qui doit servir de point de comparaison avec la théorie de Keynes. Ensuite, Hicks construit un modèle schématique de la théorie générale (sections II et III), censé en résumer les principales conclusions. Enfin, il discute les effets d'une politique monétaire expansionniste (section IV).
Les deux modèles présentent une économie à deux secteurs : un secteur des biens d'investissement, un secteur des biens de consommation. À court terme, le stock de capital physique est fixe dans chaque secteur, ainsi que le salaire nominal. À ce taux de salaire, Hicks suppose qu'il y a sous-emploi (il n'utilise jamais l'expression « chômage involontaire »).
Dans le modèle classique, le revenu nominal de l'économie (la valeur totale du produit, c'est-à-dire des transactions dans les deux secteurs) est proportionnel à la quantité de monnaie en circulation, car la monnaie est demandée uniquement pour réaliser les transactions. L'investissement dépend négativement du taux d'intérêt tandis que l'épargne en dépend positivement. La propriété principale du modèle classique est que la quantité de monnaie détermine directement le revenu monétaire. À taux de salaire donné, l'expansion monétaire (au moyen du crédit bancaire, par exemple) augmente simultanément le produit (donc l'emploi) et le niveau des prix (baisse du salaire réel), et elle réduit le taux d'intérêt. Hicks conclut ainsi à l'efficacité de la politique monétaire dans le modèle classique.
En revanche, dans le modèle keynésien, la demande de monnaie répond, en plus du motif de transaction, à un motif de spéculation qui la fait dépendre du taux d'intérêt. L'efficacité de la politique monétaire ne se vérifie alors plus dans toutes les configurations. Plus les taux d'intérêts sont élevés, plus nombreux sont les agents qui anticipent une baisse future des taux d'intérêt et par conséquent une augmentation de la valeur des titres ; ils préfèrent alors détenir des titres plutôt que de la monnaie. Comme dans le modèle classique, une politique monétaire expansive est alors efficace. Mais, à l'inverse, pour des niveaux faibles de taux d'intérêt, les agents préféreront au contraire conserver la monnaie plutôt que détenir des titres. Cette préférence pour la liquidité peut même être si forte que, pour un taux d'intérêt plancher, l'accroissement de l'offre de monnaie est intégralement conservé sous forme d'encaisses spéculatives : c'est une situation de « trappe à liquidité », dans laquelle l'expansion monétaire est sans effet sur le revenu et donc sur l'emploi.
Hicks représente le modèle keynésien au moyen d'un diagramme reliant deux courbes SI (S pour Saving et[...]
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Écrit par
- Jean-Sébastien LENFANT : maître de conférences en sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
-
ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) - Keynésianisme
- Écrit par Olivier BROSSARD
- 8 244 mots
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