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MA SAISON PRÉFÉRÉE, film de André Téchiné

Né en 1943, André Téchiné a suivi l'itinéraire classique des membres de la « seconde génération » de la Nouvelle Vague : entré en 1963 à l'I.D.H.E.C., il collabore dès l'année suivante aux Cahiers du cinéma. Il passe à la réalisation en 1970 avec Paulina s'en va, variation sur le thème de la folie dans laquelle Bulle Ogier livre une mémorable interprétation. Par la suite il gagne peu à peu une grande audience en France, grâce à des films où le non-conformisme du récit est « compensé » par la présence d'acteurs populaires (Barocco, 1976 ; Les Sœurs Brontë, 1979 ; Hôtel des Amériques, 1981). Mais le triomphe proprement dit ne viendra qu'en 1994, pour Les Roseaux sauvages (1994). Ma Saison préférée est pour lui l'occasion d'une nouvelle collaboration avec Catherine Deneuve (après Hôtel des Amériques et avant d'autres films encore), et avec Pascal Bonitzer (scénariste des Innocents, en 1985, lui aussi retrouvé par la suite). Téchiné s'y montre fidèle à ce qui est devenu sa marque de fabrique, effleurement d'une thématique « à risque » (homosexualité, désir incestueux), jeunes corps féminins nus, nombreux personnages secondaires et distanciation brechtienne mezzo voce (obtenue ici par un découpage du récit en segments titrés et quelques clins d'œil pour les happy few, comme une apparition d'Ingrid Caven dans son propre rôle ou une citation de l'inusable Mépris de Godard : « Il faut toujours finir ce qu'on a commencé. »).

Émilie face à son destin

Émilie, bien qu'elle n'ait « jamais eu d'énergie », est soudain confrontée à une série de problèmes qui l'intéressent au premier chef et exigent une réponse rapide. Sa mère, d'abord, qui est malade au point de ne plus pouvoir vivre seule. Il y a bien la solution qui consiste à l'installer à la maison, mais le caractère de la vieille dame compromet l'entreprise. Deuxième problème d'Émilie, son frère Antoine, dont le vœu le plus cher est de retrouver (quitte à vivre ensemble) la mystérieuse « complicité » qu'ils entretenaient lorsqu'ils étaient petits. Troisième problème, enfin, un mari qu'elle trouve soudain vieux et qu'elle a cessé d'aimer... Prise entre de brusques poussées d'énergie qui lui permettent de prendre le taureau par les cornes, et une propension (qu'aggrave son métier de notaire) à se contenter d'entériner ce que les autres décident, Émilie essaie différentes solutions : la vie seule, l'amant d'une heure, la vie avec Antoine, la vie comme avant... L'épée de Damoclès de l'inceste balance au-dessus d'elle et d'Antoine – le « côté obscur » de leur relation, qui apparaît dans la chanson de leur enfance : « Quand le jour s'enfuit, quand la lune luit/Les trappeurs gaiement s'enfoncent dans la nuit. »

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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