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MACARONIQUE, littérature

Forme de poésie burlesque jouant du mélange de formes dialectales et d'un latin d'origine savante ou liturgique, mais volontairement truffé de barbarismes et de solécismes (le terme de macarón désigne à l'origine à la fois une nourriture grossière et le rustre qui la mange, puis les impropriétés verbales de celui-ci). Continuant la tradition médiévale des goliards et des clercs vagants, elle exprime une certaine lassitude des milieux universitaires italiens, à la fin du xve siècle, à l'égard de la culture humaniste, dont elle parodie les formes (notamment l'hexamètre épique) et les modes de transmission (satire, volontiers obscène, des professeurs et de la vie estudiantine).

Le genre fleurit d'abord à l'université de Padoue, avec Corado (ou Corrado), auteur mal identifié d'une Tosontea, Tifi Odasi (pseudonyme de Michele Odasi, mort en 1492), dont la Macharonea (vers 1492) met en scène des farces d'étudiants, et l'auteur anonyme, mais certainement padouan, du Nobile Vigonze opus ayant pour thème le cours universitaire du comte Girolamo Vigonza. Il faut y ajouter, à la même époque et dans des milieux voisins, les Virgiliana de Fossa da Cremona et la polémique antisavoyarde qui opposa Bassano da Mantova, étudiant à Pavie (Macharonea contra Savoynos), et G. G. Alione, d'Asti (Macharonea contra macharoneam Bassani).

Le genre fut renouvelé au siècle suivant par le génie du moine bénédictin Teofilo Folengo (1491-1544), né à Mantoue, mais qui, séjournant à Padoue de 1513 à 1516, se prit d'enthousiasme pour l'œuvre d'Odasi. Dépassant le simple divertissement et conscient des exceptionnelles ressources expressives du dialecte, Folengo renoue également avec la grande tradition, mi-savante et mi-populaire, de la poésie rustique d'un Luigi Pulci ou d'un Laurent de Médicis. En partie situé dans un bourg paysan des environs de Mantoue, son Opus maccaronicum, ou Maccaronee — publié entre 1517 et 1552 sous le pseudonyme de Merlin Cocai (ou Coccaie) —, comprend une épopée burlesque en vingt-cinq chants, Baldus, son chef-d'œuvre, une pastorale réaliste, Zanitonella, et un poème héroï-comique, la Moscheide, sur la guerre entre les mouches et les fourmis. Si Folengo n'a pas cessé d'enrichir son œuvre de nouvelles inventions, il manifeste dès la Préface de l'édition de 1521 (Apologetica in sui excusationem) une remarquable conscience de son originalité linguistique. Il a exercé une réelle influence sur Rabelais, particulièrement sensible dans Gargantua, et un anonyme traducteur français a donné de son chef-d'œuvre une version aussi délirante que géniale : Histoire macaronique de Merlin Coccaie, prototype de Rabelais, 1606.

Le genre s'essouffle et s'épuise progressivement au cours du xviie siècle où l'on peut encore citer, pour mémoire, Partenio Zanclai, Cesare Orsini, mort après 1636, auteur de Capriccia macaronica, et Bernardino Stefonio. La poésie macaronique ne s'inscrit pas moins dans un vaste courant de contamination linguistique qui est l'une des constantes les plus originales de la littérature italienne. C'est ainsi que, en plein xxe siècle, on peut encore trouver chez Edoardo Sanguineti (Triperuno, 1964) l'écho parodique d'une allégorie, à caractère autobiographique, de Folengo (Caos del Triperuno, 1526).

— Jean-Michel GARDAIR

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