MACBETH (mise en scène A. Mnouchkine)
Le 29 mai 1964, Ariane Mnouchkine et une dizaine de comédiens et techniciens issus de l'Association théâtrale des étudiants de Paris fondaient le Théâtre du Soleil, société coopérative ouvrière de production. Quatre ans plus tard, ils investissaient la Cartoucherie de Vincennes, transformant les anciens hangars militaires en haut lieu d’un théâtre à la fois civique et politique. Depuis, ils ne les ont plus quittés. En 2014, pour célébrer le cinquantième anniversaire de la naissance du Soleil, Ariane Mnouchkine a choisi de mettre en scène Macbeth. « A tragedy, as itisnowacted at the Duke Theatre », était-il écrit au frontispice de l’édition britannique du texte, en 1674 ; « une tragédie, comme elle est actuellement jouée au Théâtre du Soleil », répond en écho l’affiche du spectacle.
Un Macbeth pour notre temps
Trente ans après le cycle que formaient Richard II, La Nuit des rois et Henri IV, la troupe se confronte une nouvelle fois à Shakespeare, le « maître », mais au plus loin d’un théâtre empruntant ses couleurs chatoyantes aux traditions du kabuki et du kathakali, comme on l’avait vu dans les années 1980. Cette fois, Macbeth se conjugue au présent, sans les armures pour royaumes barbares dont témoignent, sur les murs de la grande nef du théâtre, les reproductions peintes d’affiches évoquant les représentations la pièce aux xixe et xxe siècles.
Revisitée par Ariane Mnouchkine et les siens, dans une traduction dense et directe d’Hélène Cixous (éd. Théâtre du Soleil-Théâtrales), cette « histoire contée par un idiot, pleine de bruit et de fureur/ et ne signifiant rien » est bien celle de notre temps. Dans un décor de lande incertaine, la course folle du général vainqueur, qui, poussé par la prédiction de trois sorcières, assassine le roi d'Écosse, son maître, usurpe son trône, puis, pour le garder, multiplie les crimes, se pare des couleurs d’une époque crépusculaire, en proie aux dictatures, aux guerres, aux massacres... Macbeth est l’enfant monstrueux de ce temps-là. À l’opposé du Prince de Machiavel, il n’est pas le rusé politique qui aurait, depuis longtemps, prémédité sa prise du pouvoir. Il agit par instinct, profitant de l’occasion pour s’abandonner à ses pulsions. Sans comprendre que, imposteur plutôt que roi, il demeurera un parvenu endossant des habits trop grands pour lui. Il cède, comme l’écrit Hélène Cixous dans la préface de sa traduction, à « ce besoin foudroyant de faire ce qu’on ne doit pas faire, et, subitement, ce qu’on ne peut pas faire, on le fait ».
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Écrit par
- Didier MÉREUZE
: journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à
La Croix
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