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MACHINE À FILER LE LIN DE GIRARD

Au printemps de 1810 paraît dans Le Moniteur, journal officiel du premier Empire, le règlement d'un concours pour la réalisation d'une machine industrielle à filer le lin. Napoléon Ier promet un prix d'un million de francs à celui qui, avant mai 1813, inventera une telle machine. L'opération de filage du lin se faisait encore manuellement à cette époque.

Dès juillet 1810, Philippe de Girard et ses frères déposent un premier brevet exposant le principe de filage industriel au moyen d'une seule machine et d'une seule opération chimique.

Le procédé consiste en un tri des fibres à sec au moyen de petits peignes qui s'élèvent ou s'abaissent les uns après les autres, pénétrant dans le ruban de lin et divisant les filaments. Le trempage dans une solution alcaline permet de dissoudre la matière glutineuse en amollissant les fibres pour les étirer. Le 14 janvier 1812, un deuxième brevet est déposé pour une machine à étaler ou « rubaner », mais la mise au point définitive pose un certain nombre de problèmes. Au début de l'année 1813, Philippe de Girard installe à Paris une manufacture de filage industriel du lin, prouvant ainsi la réalité de son invention. La chute de l'Empire ne lui permet pas de toucher son prix. Ruiné par ses investissements, il est condamné à la prison pour dette.

Cependant son invention s'est rapidement répandue en Europe et Philippe de Girard, libéré et sans ressources, accepte les sollicitations étrangères. Après 1815, il crée à la demande de l'empereur d'Autriche François II, une filature de lin à Hirtenberg, près de Vienne. Puis il est invité par le tsar à se rendre en Pologne, où il installe une filature en 1833. Il reçoit le titre d'ingénieur en chef des usines de Pologne et laisse son nom à un gros centre textile polonais à l'ouest de Varsovie : la ville de Girardov (aujourd'hui Zyrardow).

Il revient en France en 1844, enfin reconnu et dédommagé par le gouvernement français pour son invention désormais partout appliquée, et notamment dans le nord de la France. Il meurt l'année suivante. Dès lors, la réputation de cet inventeur aux idées fertiles (lampe hydrostatique à niveau constant et globes dépolis, lunette achromatique, machine à vapeur à rotation directe...) ira croissante au cours de la seconde moitié du xixe siècle.

G. Bruno (pseudonyme d'Augustine Fouillée), l'auteur de Le Tour de la France par deux enfants, ouvrage parascolaire paru en 1877 qui eut un très grand retentissement, rend un brillant hommage à Philippe de Girard, aujourd'hui bien oublié, en lui consacrant deux pages titrées « Un grand homme auquel le Nord doit une partie de sa prospérité ».

— Bruno CHANETZ

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Écrit par

  • : professeur associé à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

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