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MACHINISME

On appelle « machinisme » un ensemble de conceptions et de pratiques nées de la prolifération des machines de production, elles-mêmes produites, et «  mécanisme » certaines conceptions scientifiques ou philosophiques qu'on a tirées depuis bien longtemps des principes physiques de la mécanique. Mêchanê et téchnê, machine et technique, étaient distinguées par les Grecs comme le moyen et l'art de s'en servir, unis dans un système mécanique. La Chine et l'Égypte antiques, Sumer et les Mayas donnaient la primauté au moyen ; les Grecs l'attribuèrent au principe qui se dégage de l'art de s'en servir. C'est ce principe qui fonda la possibilité d'une industrie de masse « moderne ». Cette possibilité devint réalité efficace lorsque les populations de machines fabriquées furent si puissantes, nombreuses et variées qu'elles posèrent des problèmes nouveaux propres à l'économie, à la sociologie et à la politique, c'est-à-dire à l'art de gouverner et d'entretenir les sociétés humaines, animales et végétales. La prolifération et la nature des machines mettent ainsi en cause les relations entre les personnes, les groupes et les classes, notamment sous la forme des modes d'appropriation des produits. Dès lors, sous le terme de machinisme on peut saisir tous les aspects fondamentaux de la civilisation qui se déploie aujourd'hui sur la Terre entière.

Le terme lui-même, avec son « isme » abusif, est vulgaire. Il ne désigne souvent qu'une philosophie populaire imprécise. Aussi parle-t-on plutôt de civilisation technique que de civilisation machiniste. On se réfère ainsi aux principes qui permettent la construction de machines, plutôt qu'aux objets eux-mêmes. C'est donner toute l'extension permise au principe mécanique (ou machiniste), c'est-à-dire à une variété immense de moyens dont la science découvre enfin l'unité épistémologique.

Naissance de la machine

Deux éléments sont essentiels au départ : l'énergie et les mécanismes de transmission, les chaînes cinématiques au bout desquelles se trouve l'outil. L'énergie humaine, la plus différenciée parce que le corps comporte lui-même des mécanismes remarquablement agencés, fut la première employée. Le ressort, au début simple perche flexible qui emmagasine sous forme potentielle l'énergie mécanique qu'on lui donne, fut exploité très tôt, de même que le levier qui constitua la première chaîne cinématique d'où découlent toutes les autres. Il était dès lors possible de concevoir quelques machines extrêmement simples. En fait, avec l'outil, le corps humain fait office à la fois de source d'énergie, de convertisseur et de machine.

À une époque reculée, qu'il est difficile de préciser, des éléments nouveaux apparurent. On songea à se servir de certaines énergies naturelles, du vent en particulier dont l'utilisation donna naissance à la marine à voile, de l'énergie des animaux domestiqués, plus puissante que l'énergie humaine, mais sensiblement moins différenciée et qui ne peut guère s'appliquer qu'à la traction. Le progrès le plus important devait porter sur les chaînes cinématiques. Les Anciens utilisaient, outre le levier, ce qu'ils appelaient les machines simples : poulie et treuil qui sont des combinaisons du levier et de la roue, plan incliné, coin et vis. Il ne paraît pas qu'à l'origine ces éléments nouveaux aient permis un grand essor du machinisme.

L'Antiquité

Il semble que le machinisme ait commencé réellement à se développer en Grèce à partir des vie et ve siècles av. J.-C., grâce à l'apport de techniques en provenance du Proche-Orient.

L'effort porta au début, d'une part, sur les machines de guerre, avec l'emploi du nouveau ressort formé de nerfs tordus,[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
  • : directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.

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