MACHINISME
La Renaissance
C'est à la Renaissance que l'humanité occidentale prit véritablement conscience de l'intérêt de la machine, de son universalité, de la possibilité de son développement infini. Les carnets d'ingénieurs, en particulier ceux de Léonard de Vinci, la multiplication des « théâtres de machines » en sont des preuves manifestes. Ce phénomène tient à des causes nombreuses qui apparaissent au lendemain des grandes crises du xive siècle : causes économiques (essor du grand commerce et de la production) ou politiques (centralisation des États, politiques mercantilistes), et causes techniques (transformations de la métallurgie dues à l'utilisation des hauts fourneaux pour la production de la fonte, à la fin du xive s.).
L'énergie hydraulique demeure la principale source d'énergie. Les essais sur la vapeur, de Léonard de Vinci à Salomon de Caus, ne reflètent encore que la découverte par Héron d'Alexandrie d'une puissance que l'on ne sait pas utiliser. Quelques progrès se manifestent dans les convertisseurs. On s'efforce de donner au moyen des aubes inclinées un meilleur rendement à la roue de moulin ; dans la seconde moitié du xve siècle, des dessins représentent des turbines à eau primitives. Grâce au toit tournant, le moulin à vent prend, dans certaines régions, son véritable essor. La transmission de l'énergie à distance, souvent évoquée, ne reçoit que des solutions simplistes et difficilement réalisables.
Il en est autrement pour les mécanismes de transmission où une découverte capitale eut lieu, probablement à la fin du xive ou au début du xve siècle : le système bielle-manivelle qui transforme un mouvement circulaire en un mouvement rectiligne alternatif, ou vice versa. Alors devenaient possibles tous les appareils mus par une ou plusieurs pédales : les tours autrefois à perche ou à arc et par conséquent alternatifs, le rouet, les meules. Le nouveau mécanisme pouvait également être employé pour les pompes aspirantes et foulantes, ce qui fournit aux mines un puissant moyen d'épuisement de l'eau. Désormais, toutes les chaînes cinématiques classiques existent et avec elles tous les moyens d'une mécanique traditionnelle encore employée aujourd'hui. Tout au plus certains perfectionnements de détail pourront-ils intervenir : engrenages, courroies de transmission.
Outre ces quelques exemples, la Renaissance a introduit la machine dans tous les domaines. Seul un échantillonnage est possible ici. Une production métallurgique accrue demandait des moyens de mise en forme plus développés. C'est à la fin du xve siècle et dans la première moitié du xvie que naissent le laminoir, la fonderie, la tréfilerie hydraulique, tous instruments qui mécanisent largement la production sidérurgique, et même métallurgique dans son ensemble. Si le textile a connu moins de bouleversements, deux machines firent cependant l'admiration des techniciens : le moulin à tirer la soie, probablement né à Bologne à la fin du xive siècle, et l'étonnant métier à faire les bas, inventé par l'Anglais William Lee à la fin du xvie siècle, et dont Diderot, dans l'Encyclopédie, vantait encore l'ingéniosité deux siècles plus tard. Léonard de Vinci s'essaya, mais sans grand succès, à imaginer des métiers automatiques, des tondeuses mécaniques.
Les recueils de cette époque font état d'innombrables machines, montrant ainsi tout l'espoir qu'on avait dans des combinaisons mécaniques dont beaucoup relevaient de la pure imagination, dont quelques-unes se trouvaient immédiatement réalisables.
L'« automobile » de Francesco di Giorgio mettait en œuvre des vis sans fin mues par des cabestans à bras et témoignait d'un curieux essai de roues avant à la fois motrices et directrices. Et que dire de la machine à voler de Léonard de Vinci ? Ce[...]
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Écrit par
- Bertrand GILLE : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Pierre NAVILLE : directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.
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Médias
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