MACHINISME
Essor du machinisme
La révolution technique anglaise du xviiie siècle marque le triomphe définitif du machinisme. Les nécessités d'une production largement accrue, la disposition de matériaux plus facilement utilisables (métal) entraînent naturellement une mécanisation plus poussée. La machine, dans beaucoup de domaines, prend alors en quelque sorte en charge l'outil, la machine-outil va faire son apparition.
La machine à vapeur symbolise le nouveau système technique. Après des essais plus ou moins fructueux de Denis Papin et de Thomas Savery, l'appareil est mis au point en 1712 par Thomas Newcomen et prend, entre 1772 et 1782, sa forme définitive avec James Watt. Postérieurement, les perfectionnements ne porteront que sur des détails dont l'un des plus importants est la chaudière tubulaire de Marc Seguin, mise en service à partir de 1827-1828. Utilisée dans les mines pour l'exhaure de l'eau, la machine à vapeur doit son expansion à la mécanisation d'un grand nombre de fabrications. Jouffroy d'Abbans l'adapte à un navire (1766), Joseph Cugnot à une voiture (1769), inaugurant ainsi l'ère des transports à vapeur.
C'est sans doute dans le textile que les progrès furent les plus spectaculaires, suscités pour une bonne part par les déséquilibres qu'ils provoquèrent successivement dans la production. La navette volante de J. Kay en 1733 puis la spinning jenny en 1770 entraînent la mécanisation de la filature. Le tissage s'adapte également en deux étapes : d'abord grâce au métier de Richard Arkwright en 1767, puis au métier automatique d'Edmund Cartwright en 1784. Vers la fin du siècle, les industries lainière et cotonnière sont en possession de machines perfectionnées. En France, le même processus intervient pour la soie. Entrevu par de Gennes, le métier automatique pour tisser la soie fut réalisé par Vaucanson en 1744-1745. L'égreneuse de coton est inventée en 1793 par l'Américain Withney.
Il semble que la mécanisation n'ait pas atteint aussi largement les autres industries. Il y eut cependant des exceptions notables. La fabrication du papier au cylindre fit mise au point par les Hollandais vers le milieu du xviiie siècle. La machine continue est inventée par Robert, à l'extrême fin de ce siècle.
Beaucoup moins connue est l'apparition de la machine-outil. C'est seulement à partir du milieu du xviiie siècle, semble-t-il, qu'on a pensé à relier directement l'outil à la machine qui, auparavant, n'était destinée qu'à donner le mouvement nécessaire. On en peut citer quelques exemples qui touchent aussi bien au travail du bois qu'à celui du métal : la machine à raboter de Focq (1751), le tour à charioter de Vaucanson (1751) et le tour à fileter de Senot (1795) pour les Français, la machine à aléser de Wilkinson (1775) et le tour à fileter de Maudslay (1797) pour les Anglais.
Il ne paraît pas qu'il y ait eu de grandes modifications dans la conception des chaînes cinématiques : la transmission planétaire imaginée par Watt fut rapidement abandonnée. L'usage du métal permet de fournir des engrenages infiniment plus résistants et de réaliser des engrenages irréguliers dont on avait eu l'idée dès le xvie siècle. L'apparition de machines plus puissantes conduit au perfectionnement de leurs différents organes : balanciers, cylindres et pistons, pour ne citer que le cas de la machine à vapeur.
L'ensemble mécanique de la fin du xviiie siècle devait être perfectionné et étendu dans la première moitié du siècle suivant, tout en demeurant dans la ligne exacte de ce qui avait été fait ou imaginé antérieurement : il n'y a pas rupture, mais développement.
La machine à vapeur fut définitivement adoptée par les moyens de transport. Les premières locomotives datent du début du xixe siècle,[...]
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Écrit par
- Bertrand GILLE : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Pierre NAVILLE : directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.
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Médias
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