MACHINISME
Triomphe du machinisme
La période qui va du milieu du xixe siècle à la veille de la Première Guerre mondiale marque le triomphe définitif de la machine. Ce nouveau système technique sur lequel nous vivions il y a encore quelques années s'établit en deux étapes, autour de 1860, et entre 1880 et 1895. Une énumération complète des réalisations est impossible : aussi convient-il de classer et de systématiser au maximum.
Dans le domaine de l'énergie, les découvertes furent nombreuses. Il s'agissait de trouver des moteurs mieux adaptés, plus puissants et plus rentables, donnant une énergie disponible diversifiée et à meilleur marché. Chaque convertisseur d'énergie a ses limites : lorsqu'elles sont atteintes, il faut passer à un autre type. Vers 1850, la turbine à eau et la machine à vapeur alternative étaient près d'atteindre leurs limites. Pour les premières, il ne pouvait plus être question que d'augmenter la hauteur des chutes : Aristide Bergès, à Lancey, en 1869, lançait la « houille blanche ». Quant à la machine à vapeur, la surchauffe permit d'atteindre les rendements limites. Un pas important devait être réalisé par la turbine à vapeur : les recherches de Gustaf De Laval (1876) et de C. A. Parsons (1888) aboutirent à un résultat positif.
Les moteurs à explosion et à combustion interne furent lentement mis au point. Huygens en avait peut-être eu l'idée. Dans le deuxième tiers du xixe siècle, des ingénieurs italiens trouvèrent certains éléments essentiels, en particulier l'allumage par étincelle électrique. Le Belge Étienne Lenoir réalisa le premier moteur à gaz (1860). La définition par Alphonse Beau de Rochas, en 1862, du cycle à quatre temps donna l'élan. Nikolaus Otto, en 1867 et en 1877, réalisa les premiers moteurs à explosion. C'est en s'appuyant sur le cycle fermé de Carnot que Rudolf Diesel, après avoir cherché à perfectionner la machine à vapeur, inventa (1897) un moteur fonctionnant avec de l'air suffisamment comprimé pour que l'élévation de la température qui en résulte suffise à enflammer sans dispositif d'allumage électrique de fines particules de combustible injectées dans la chambre de combustion. Le système d'injection et le haut taux de compression permettent d'employer un combustible moins raffiné et en moins grande quantité, d'où un coût réduit de l'énergie produite.
L'invention de la dynamo par Gramme (1869) donna à l'électricité toute sa valeur industrielle. On découvrit rapidement que la nouvelle machine était à la fois productrice et réceptrice. Marcel Deprez, en 1881, réalisa les premiers transports à distance de l'électricité. Le moteur électrique demeurait néanmoins tributaire d'une autre énergie, énergie hydraulique ou vapeur, ce qui donna tout leur prix aux hautes chutes et à la turbine à vapeur.
Les moteurs permirent une accélération sensible des transports : turbines à vapeur et moteurs Diesel se substituèrent dans la navigation aux vieilles machines alternatives que conservèrent cependant les locomotives. Le moteur à explosion provoqua l'apparition des automobiles (1885, Gottlieb Daimler et Karl Benz), bientôt des premiers avions (Robert Whitehead en 1901). Siemens, en 1903, lance la locomotive électrique, Klose, en 1906, la locomotive Diesel.
La machine intervient aussi, et cela est important, dans le domaine de la diffusion de la pensée. La rotative de Bullock est de 1863, la linotype de Mergenthaler de 1884. La machine à écrire naît en 1864 et 1869. L'électricité rend possible le télégraphe de Samuel Morse (1837-1843), le téléphone de Graham Bell (1876). La photographie précède et permet l'invention du cinéma (1895). La T.S.F. (télégraphie sans fil) est de 1897.
La machine-outil connaît son véritable développement, surtout aux États-Unis,[...]
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Écrit par
- Bertrand GILLE : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Pierre NAVILLE : directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.
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