MACROÉCONOMIE Emploi
L'emploi-marchandise
Le schéma du marché
Une des premières pistes explorées par les théoriciens a consisté à appliquer aux transactions entre employeurs et employés les outils intellectuels forgés pour les échanges de marché. On parle ainsi du « marché du travail », expression devenue courante et qui n'est pourtant pas si évidente. Ce qui caractérise, en effet, les relations de marché, c'est, pour un produit donné, l'établissement d'un prix par la confrontation des offres et des demandes. Si l'existence d'offreurs de travail (les candidats salariés) et de demandeurs (les candidats employeurs) est une évidence, le produit échangé est, quant à lui, susceptible de bien des variations : outre les multiples qualifications des travailleurs et la grande variété des tâches, il est aisé d'observer que le travail est, en quelque sorte, créé chaque jour que travaille l'employé. L'établissement du prix est plus problématique encore. En effet, les contrats de travail sont signés pour une certaine durée, et c'est une absurde renégociation quotidienne qui se rapprocherait le mieux de ce qu'est un marché au sens strict !
Cependant, nombreux sont les théoriciens, parmi lesquels se détachent les noms des Britanniques Alfred Marshall (1900) et Lionel Robbins (1930), qui ont jugé que les avantages du recours aux schémas usuels d'analyse des marchés étaient très supérieurs à ses inconvénients, en posant que les marchés du travail sont particuliers, et surtout plus lents que les autres marchés puisqu'une écrasante majorité de contrats en cours coexiste avec les transactions du jour.
Le travail est alors une marchandise presque comme les autres. Elle est offerte par les personnes qui disposent de temps libre et souhaitent y renoncer pour se procurer un salaire, c'est-à-dire d'autres marchandises. Elle est demandée par les entreprises qui recherchent des facteurs de production, les combinent entre eux pour obtenir un produit et un profit à l'issue de sa vente.
Moyennant une série de simplifications drastiques (le travail est supposé homogène, indéfiniment divisible ; l'information est supposée parfaite ; les décisions sont instantanées...) et quelques hypothèses plus techniques sur les possibilités de substitution entre travail et capital comme entre loisir et argent, définissant ainsi un univers standard de rareté, il est possible de tracer des courbes d'offre et de demande de travail ; ces courbes relient, dans le cas concurrentiel traditionnel, des heures offertes ou demandées à des taux de salaires. Les demandes sont normalement décroissantes, les offres croissantes, et l'intersection détermine un nombre d'heures échangées pour un taux de salaire d'équilibre. Une supposition et un changement d'échelle supplémentaires (on se donne une durée hebdomadaire ou annuelle moyenne, et on raisonne alors en effectifs employés) permettent d'appliquer le schéma à l'emploi.
Le résultat usuel de l'analyse des marchés se retrouve ici : en situation concurrentielle, à l'équilibre, toute offre au prix pratiqué est satisfaite, il n'y a pas d'invendus. Si les conditions changent et qu'apparaissent, par exemple, des excédents (des candidats qui ne trouvent pas à se placer), la solution pour augmenter l'emploi est de baisser le prix, ce qui a pour effet d'accroître la demande et de diminuer l'offre, les conditions devenant plus avantageuses pour les acheteurs et moins attractives pour les vendeurs.
Les « comportements non concurrentiels »
Il est nécessaire de préciser ce résultat, à la fois classique et provocant, qui exclut tout chômage autre que transitoire ou « volontaire ». La logique d'un marché en fonctionnement normal est de ne s'immobiliser que lorsque toute offre au prix courant a trouvé sa contrepartie.[...]
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Écrit par
- Bernard GAZIER : professeur émérite de sciences économiques à l'université de Paris-I
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