MACROÉCONOMIE Politique économique
La place des politiques macroéconomiques
Les frontières entre les trois objectifs de Musgrave sont poreuses, comme l'ont bien montré les développements, tant théoriques que pratiques, des dernières décennies. Les politiques macroéconomiques sont inséparables du contexte microéconomique dans lequel elles s'inscrivent. Leurs objectifs ont trait à la situation des agents individuels. Leurs mécanismes mettent en jeu les comportements de ces individus. Cela amène à porter un nouveau regard sur les politiques macroéconomiques. La politique budgétaire ne peut se contenter de fixer les montants globaux des prélèvements ou des dépenses de l'État. Leur contenu compte au moins autant. Comment minimiser les effets désincitatifs inévitables des prélèvements, c'est-à-dire comment faire pour qu'impôts et cotisations pèsent le moins possible sur le bon fonctionnement des marchés ? Comment justifier chaque dépense publique, et donc évaluer son efficacité, dans un contexte de rareté des fonds publics ? La lutte contre le chômage ne peut pas non plus se polariser sur les seuls chiffres du chômage. Elle doit se soucier de la qualité des emplois, se préoccuper d'équité entre les différentes catégories de travailleurs, être ancrée dans une analyse des comportements des entreprises et des travailleurs en matière de demande et d'offre de travail. Les obstacles à une bonne allocation des ressources et les enjeux redistributifs doivent être pris en compte dans l'élaboration des politiques macroéconomiques. Les trois objectifs de Musgrave deviennent difficilement dissociables.
Les politiques macroéconomiques ont donc changé. Des politiques structurelles sont venues compléter les politiques conjoncturelles, à tel point qu'on a pu craindre qu'elles ne s'y substituent purement et simplement. De fait, l'existence même de problèmes spécifiques de régulation macroéconomique est souvent mise en question dans l'analyse économique contemporaine. Si leurs causes profondes résident dans les problèmes d'information et d'incitations qui rendent, inévitablement, imparfait le fonctionnement des marchés, il faut développer des analyses plus réalistes des marchés du travail, du crédit et des biens, et suggérer des réformes capables d'améliorer leur fonctionnement. Les vraies questions seraient finalement d'ordre microéconomique et concerneraient l'efficacité des systèmes économiques. En pensant identifier un problème spécifique de demande globale à la source des difficultés des économies contemporaines, la théorie keynésienne aurait engagé la macroéconomie dans une impasse et proposé des remèdes inopérants. Le troisième objectif de Musgrave qui en porte la trace devrait donc être abandonné. Ou plutôt, il faudrait reconnaître qu'il ne se distingue pas du premier.
Cette position méthodologique a été soutenue avec force et détermination par Robert Lucas tout au long de sa carrière. En mettant l'étude des fondements microéconomiques au cœur de la macroéconomie contemporaine, il a indiscutablement contribué à donner à cette dernière plus de rigueur. Mais il l'a presque dissoute dans une théorie microéconomique générale.
La plupart des macroéconomistes ne sont pas prêts à aller jusque-là. Cette théorie générale et intégrée constitue un objectif mobilisateur pour la recherche plus qu'une réalité d'aujourd'hui. La modélisation macroéconomique garde donc sa spécificité et ne fait pas table rase des connaissances qu'elle a accumulées. Plus concrètement, on peut légitimement continuer à penser que les mouvements de la demande globale jouent un rôle crucial dans la dynamique de court terme de l'économie. Les politiques conjoncturelles peuvent alors jouer un rôle positif en régulant la demande pour la maintenir en adéquation avec l'état courant des capacités productives.[...]
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Écrit par
- Antoine d' AUTUME : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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