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MADADAYO (Akira Kurosawa)

Réalisé en 1993, Madadayo est né du désir de rendre hommage à un écrivain quelque peu oublié mais profondément admiré par Kurosawa, Hyakken Uchida (1889-1971), maître à penser d'une génération littéraire et lui-même élève du romancier Natsume Sōseki.

Le premier plan du film est une porte fermée : celle d'une salle de classe. La porte s'ouvre et fait apparaître un professeur qui, après trente ans d'enseignement, a décidé, en 1943, de prendre sa retraite pour se consacrer à l'écriture. Ce professeur transpose la personnalité d'Uchida, mais n'est jamais désigné par son nom dans le récit. Ses élèves et anciens élèves, devenus ses amis, estiment qu'il est en « or dur », ou « pur comme l'or », et l'appellent toujours « Sensei », c'est-à-dire « Maître ».

Mais le Sensei de Madadayo – interprété avec un étonnant naturel par Tatsuo Matsumura – est aussi Akira Kurosawa qui, dans le déroulement de la fiction, transpose, consciemment ou non, des souvenirs d'enfance ou de jeunesse. Si le professeur enseigne l'allemand, c'est sans doute parce que le père du cinéaste, professeur de gymnastique, était attiré par la culture germanique. 1943, l'année choisie pour le départ à la retraite, est précisément celle où Kurosawa a réalisé son premier film, La Légende du judo I, après avoir beaucoup appris au contact de cinéastes tels que Yamamoto, Ozu, Mizoguchi ou Naruse. Pour Kurosawa, l'importance d'un Maître est fondamentale dans la vie de tout homme, et il aime citer ce mot de Valéry : « Une chose essentielle a été oubliée dans l'éducation d'aujourd'hui, c'est qu'il est plus important pour les élèves d'apprendre à travers le maître lui-même qu'à travers les différentes matières enseignées. » Déjà Barberousse (1965), trente ans avant Madadayo, soulignait la nécessité de l'apprentissage de la vie au contact d'un Maître, en évoquant le dévouement d'un médecin au grand cœur qui soignait les plus pauvres dans un hôpital du vieux Tōkyō, au début du xixe siècle. Influencé par cet exemple, l'assistant de Barberousse choisit, à la fin du film, de renoncer à une carrière médicale plus aisée et plus brillante afin de succéder au « Patron ». Pour Kurosawa, le Maître est celui qui donne l'intuition de l'honnêteté profonde, de l'ouverture d'esprit, de la compréhension d'autrui et de la compassion.

Le titre du film renvoie à un jeu d'enfant universel : celui du cache-cache avec le loup. Un enfant part se cacher. Au loin, ses camarades l'interrogent : « Loup y es-tu ? » Les enfants japonais disent : « Maada-Kai ? » (« Es-tu prêt ? »). L'enfant interrogé peut répondre : « Madadayo » (« Pas encore prêt... »). Madadayo est ainsi une chronique toute simple, d'une coulée limpide, des années de retraite du vieux professeur tant estimé. Une chronique où Kurosawa brasse ses souvenirs de Tōkyō : Tōkyō avant la guerre, Tōkyō pendant la guerre, victime des bombardements, occupée par les Américains. Une chronique emplie tour à tour d'humour (la séquence des idéogrammes disposés dans la maison et destinés aux voleurs), de poésie (la succession des saisons, évoquée en plans fixes, de l'humble demeure du professeur, admirables tableaux où les teintes rousses, fauves et rouges de l'automne font place aux blancs et aux verts de l'hiver et de la neige, puis aux teintes jaunes et brun clair du printemps et de l'été) et de mélancolie (la disparition du chat Nora).

À chacun des anniversaires du Sensei, les disciples organisent une fête intitulée : Maada-Kai. Le Maître doit boire une grande chope de bière d'un seul trait avant de s'écrier : « Madadayo ! » (c'est-à-dire « Pas encore prêt ! »... pour la[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, critique de cinéma

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