VIONNET MADELEINE (1876-1975)
Couturière d'une science accomplie, Madeleine Vionnet est une des personnalités les plus éminentes de la mode française dans les années de l'entre-deux-guerres ; sa principale innovation, l'emploi systématique du tissu dans le sens du biais, a permis une véritable transformation de la silhouette et de l'esthétique féminines.
Fille d'un receveur de l'octroi à Aubervilliers, Madeleine Vionnet, après des débuts difficiles dans la couture et un mariage malheureux, quitte Paris pour Londres où elle entre dans la maison de couture Kate Reilly. De retour à Paris, en 1904, elle est engagée chez les sœurs Callot, dont la plus célèbre, Mme Gerber, une créatrice de mode inspirée, exigeante, aura beaucoup d'influence sur la débutante. Madeleine Vionnet quitte Callot pour la maison Doucet, puis ouvre son propre salon de couture en 1912. Les difficultés économiques liées au lancement de son affaire s'aggravent du fait de la Première Guerre mondiale et mettent un terme à cette première entreprise. Lorsque Madeleine Vionnet rouvre sa maison en 1918, elle se distingue par des vêtements d'apparence simple, au décor géométrique complexe : sur des robes-chasubles, des péplums, des robes souples tombant librement en « mouchoir », elle fait dessiner des nervures, des rinceaux entrelacés ; les modèles les plus admirés sont les robes du soir, fourreaux brodés de dessins empruntés aux vases grecs et étrusques.
Madeleine Vionnet se signale par la façon originale dont elle compose ses modèles : elle a recours à un petit mannequin articulé en bois sur lequel elle drape l'étoffe, ou parfois essaie ses idées directement sur elle-même. C'est dans ces conditions qu'elle développe peu à peu l'usage du tissu en biais ; l'étoffe ainsi employée présente un meilleur tombé et moule souplement les formes du corps ; mieux encore, le biais confère à la robe drapée une élasticité qui lui permet d'épouser les gestes, d'exalter la silhouette féminine en mouvement.
Les modèles de Vionnet, d'une perfection sobre, d'une aisance très concertée, ne présentent pas d'évolution accélérée d'une saison à l'autre ; la couturière y déploie sa maîtrise des drapés, libres ou retenus, des constructions des corsages et des jupes, avec des panneaux d'étoffe qui modèlent le corps ou flottent en grands pans. Vionnet aime également les encolures drapées, les emmanchures audacieuses, ou l'opposition de surfaces mates et brillantes, mariant par exemple sur la même robe l'épiderme mat d'un crêpe et le brillant d'un satin. Si les tenues de ville, les ensembles et les manteaux de Vionnet, portés par des clientes célèbres comme Mme Martinez de Hoz, sont remarqués pour leur perfection, ce sont surtout ses déshabillés et ses robes du soir qui font sa renommée. D'une sereine pureté classique, ces toilettes sont volontiers comparées aux tuniques drapées de l'Antiquité et confèrent à Madeleine Vionnet la réputation privilégiée de travailler non dans l'anecdote mais dans l'intemporel.
Maîtresse femme, appréciée pour ses préoccupations sociales (elle crée pour ses ouvrières une bibliothèque, une clinique), pour son goût avant-gardiste (sa demeure s'orne de meubles de Dunand, de Chareau) et pour l'harmonie de son salon de couture, décoré de fresques par Georges de Feure, Madeleine Vionnet cesse ses activités de création de mode en pleine prospérité, en 1939. Dans son équipe ont travaillé des couturiers réputés comme Marcelle Chaumont, Charles Montaigne, Jacques Griffe. Demeurée attentive à tous les développements de la mode, elle joue jusqu'à sa mort le rôle de conseillère auprès de ses nombreux fils et filles spirituels.
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Écrit par
- Guillaume GARNIER : conservateur du musée de la Mode et du Costume, palais Galliera
Classification
Autres références
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MIYAKE ISSEY (1938-2022)
- Écrit par Farid CHENOUNE et Encyclopædia Universalis
- 1 565 mots
- 1 média
S'il fallait lui chercher une ascendance dans l'histoire de la haute couture, plus que vers Balenciaga, c'est vers Madeleine Vionnet (1876-1975) qu'il faudrait se tourner – Madeleine Vionnet, apôtre de la coupe en biais dès les années 1920 et 1930, en quête, comme Miyake le sera, d'une... -
MODE - Le phénomène et son évolution
- Écrit par Valérie GUILLAUME
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...femme de chambre, utilise le foulard du terrassier et habille les reines en combinaison de mécano » (propos de Janet Flaner, chroniqueur de mode, cités par Gilles Lipovetsky) ou bien encore les innovations techniques de Madeleine Vionnet, utilisant le tissu dans le sens du biais, dans les années 1930.