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MADHVA (1238-1317)

Penseur hindou dont le nom reste attaché à une tentative pour instaurer une philosophie qui, tout en restant fidèle aux principes du vedānta, permette le plein exercice de la dévotion. L'une des propositions majeures du vedānta étant l'affirmation selon laquelle l'ātman (« âme ») est identique au brahman (l'« absolu », le « principe » de toutes choses), Shankara (viiie s.) en concluait à un monisme intégral (advaita-vedānta), de telle sorte que seule la connaissance, c'est-à-dire la prise de conscience par l'individu de l'équation ātman = brahman, pût assurer la délivrance des liens de la transmigration.

Cependant, Madhva, qui était brahmane et originaire du Maisūr (Mysore, État du sud de l'Inde), se voulait fidèle non seulement au Veda proprement dit, mais à d'autres textes tels que la Bhagavad Gītā et le Bhāgavata Purāna, fondements de la dévotion (bhakti) à Krishna (Kṛṣṇ). Des Écritures ainsi choisies par lui il déduisait que partout dans l'univers se manifeste le principe de distinction (bhidā) : par exemple, entre l'animé et l'inanimé, entre l'âme et le Seigneur, entre une âme et une autre, entre une chose et une autre. Or ces distinctions, qui paraissent de simple bon sens, allaient à l'encontre de la position de Śaṅkara, pour qui il ne pouvait y avoir de distinction entre l'ātman et le brahman et pour qui, si le brahman est unique, l'ātman l'est nécessairement aussi (puisqu'il lui est identique), de sorte qu'il ne puisse y avoir de distinction, par exemple, entre « une » âme et une « autre ». Cependant, une telle distinction est nécessaire pour que la délivrance soit possible (une âme identique à Dieu n'aurait pas, en bonne logique, à être sauvée).

Attentif à ce problème, Madhva enseigne, pour sa part, que le chemin conduisant au salut comprend plusieurs étapes : d'abord, une purification psychologique (élimination des passions, etc.) ; puis la pratique de l'adoration dévote du Seigneur, qui doit ensuite se muer en méditation parfaite (dhyāna) et en samādhi, état dans lequel l'âtman se fixe définitivement dans la contemplation béatifique de Viṣṇu-Kṛṣṇ. La délivrance est, à ce moment, assurée (ou plutôt déjà réalisée) même pour l'individu qui demeure encore dans le monde phénoménal. Une telle position entraîne plusieurs conséquences sur le plan philosophique. La plus importante est sans doute la nécessité de concevoir le brahman comme « pourvu de qualités » : contre Śaṅkara, qui affirme que l'absolu est, par définition, dépourvu de tout attribut, Madhva enseigne que les Écritures donnent de nombreux noms à Viṣṇu (Dieu « bon », « beau », « puissant », « omniscient », etc.). Or, d'une part, Viṣṇu n'est autre que le brahman ; d'autre part, les Écritures ne peuvent se tromper ni nous tromper puisqu'elles sont Révélation éternelle, brahman « en tant que discours ». Ainsi est-il prouvé que l'absolu n'est pas « sans attribut » mais qu'il représente, au contraire, la plénitude de toutes les qualités possibles.

Dans tous les détails de sa doctrine, Madhva apparaît donc comme l'anti-Śaṅkara par excellence (il avait coutume de dire que le maître de l'advaïta n'était autre que l'esprit du Mal incarné pour tromper les hommes). L'école qu'il a fondée est encore vivante, surtout dans le sud de l'Inde.

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

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