MADRID
Parmi les grandes capitales, Madrid occupe une place assez particulière : elle se situe entre celles qui, favorisées par leur site et les ressources de leur arrière-pays, connurent un développement harmonieux et régulier – Rome, Paris, Londres – et celles qu'a fait surgir ex nihilo la volonté d'un homme ou d'un peuple – Saint-Pétersbourg ou Washington, notamment. Aussi, bien que millénaire, ne commence-t-elle à compter qu'à partir de 1561, lorsque Philippe II lui octroie la fonction de capitale politique.
Son histoire est marquée par deux énormes sautes de croissance : l'une, après cette promotion qu'elle doit au roi et à sa volonté centralisatrice qui, en un demi-siècle, transforme une petite ville de dix mille âmes en une capitale de 100 000 habitants ; l'autre, engagée dès les années 1950, a sextuplé sa population (3,2 millions d'hab. en 2009) et a transformé la Villa y Corte traditionnelle, avant tout monarchique, en une métropole tentaculaire.
Madrid n'est toutefois pas seulement une grande agglomération mais aussi, depuis la Constitution de 1978, une région autonome (Comunidad autonoma de Madrid) dotée d'un territoire de 8 000 kilomètres carrés et dont la population (6,44 millions d'hab. en 2010) est en rapide croissance. Elle est située au centre de l'Espagne dans un espace qui figure parmi les moins peuplés de toute l'Europe, et localisée sur le piémont des sierras centrales à plus de 600 mètres d'altitude, faisant ainsi de Madrid la capitale la plus élevée d'Europe. C'est l'histoire, plus encore que la géographie, qui explique l'évolution particulière de la ville et de sa région.
Philippe II et l'avènement de Madrid
En 1561, Philippe II transfère la chancellerie royale de Tolède à Madrid et s'installe dans l'Alcázar madrilène que son père avait commencé à restaurer. Aucun texte n'ayant justifié ou commenté cette décision, les historiens pourront toujours discuter ses motifs. Madrid était une petite ville, à mi-chemin entre Tolède et la sierra de Guadarrama, aux confins de deux paysages : sierra granitique au nord, alors très boisée, et moutonnement des terres ocreuses au sud, annonçant déjà la Manche. « Mâjrit » apparaît dans les textes du xe siècle, bourgade adossée à l'Alcázar arabe qui dominait de soixante mètres la vallée du Manzanares. Ce cap assez abrupt, protégé par deux ravins latéraux, surveillait une route stratégique conduisant de Tolède vers les hautes terres de l'Alcarria et les confins de l'Aragon. Reconquise à la fin du xie siècle en même temps que Tolède, repeuplée, pourvue d'une nouvelle enceinte, elle était devenue un modeste marché pour les légumes et le vin des environs et surtout pour le bétail, disputant à sa puissante voisine Ségovie les pâturages du haut Manzanares. Ce caractère rural apparaît même dans le choix de son patron saint Isidore, laboureur du xiie siècle, berger et creuseur de puits. Appréciée par les souverains du xve siècle pour la pureté de l'air, la qualité des eaux, la proximité des terrains de chasse du Pardo, Madrid reçut plusieurs fois Charles Quint qui y apprit sa victoire à Pavie et logea dans l'Alcázar le roi de France prisonnier. Mais cette ville sans fleuve, située dans une zone sablonneuse et peu fertile, n'offrait aucun avantage qui la prédestinât à devenir la capitale d'un grand empire. Philippe II, en la choisissant, obéit-il à une pensée politique ? Roi espagnol, succédant à un empereur nomade, voulut-il départager les métropoles historiques rivales (Tolède, Séville, Barcelone, Saragosse) en leur substituant une ville sans passé, centre géographique de la péninsule et symbole de l'unité de l'Espagne ? Il est plus probable que ce choix fut un expédient imposé par des considérations[...]
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Écrit par
- Michel DRAIN : agrégé de géographie, docteur d'État, directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
- Paul GUINARD : professeur honoraire à l'université de Toulouse
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