MADURA, Inde
La Madura des Nāyak
Bien qu'il fût chargé par l'empereur de Vijayanagar d'assurer la protection des Pāṇḍya, le nāyakar (« conducteur ») Nāgama, général et vice-roi du Sud, s'empara de Madura et créa un État semi-indépendant (1520 env.). Le pouvoir de sa lignée, qui garda le nom de Nāyak, s'accrut – comme celui des « Nāyak » de Tanjore, de Nellore et de Gengi – quand Vijayanagar s'effondra sous les coups des sultans du Dekkan central coalisés (1565). Les Nāyak, fervents adorateurs de Śiva, se voulaient les continuateurs des Pāṇḍya. Ils relevèrent de ses ruines Madura, mise à mal par les musulmans, et lui donnèrent sa physionomie actuelle.
Son grand temple, cité dans la cité, est l'un des plus célèbres de l'Inde. Commencée vers 1560 sous Viśvanātha, sa construction s'est échelonnée sur près de deux siècles, monarques et ministres attachant leurs noms aux édifices de ce vaste complexe. La disposition des bâtiments répond aux principes d'architecture énoncés dans les traités traditionnels. La première enceinte comporte quatre gopura, ou portes monumentales orientées, hautes tours sur plan rectangulaire, aux arêtes concaves et couvertes d'un toit en berceau ; celui de l'est, le plus ancien, fut érigé sur l'ordre de Tirumāl, figure saillante de la dynastie (env. 1623-1659) ; celui du sud, le plus élevé, mesure une cinquantaine de mètres. Après avoir franchi des enceintes intérieures percées, elles aussi, de gopura de dimensions plus modestes, déambulé à travers des galeries et des salles (maṇḍapa) au toit plat supporté par des rangées de piliers (l'une d'elles, dite « aux mille piliers », n'en possède pas moins de neuf cent quatre-vingt-dix-sept) et longé le bassin sacré, on parvient à la partie la plus secrète du temple, où s'élèvent séparément les sanctuaires de Sundareśvara et de Mīnākṣī, de taille médiocre et orientés à l'est comme il se doit. Le rituel qui s'y déroule s'inspire du cérémonial qui entourait le roi ; chaque jour les idoles sont baignées, ointes de parfum et parées de bijoux, et l'hommage (pūjā) qui leur est rendu s'accompagne de chants, de la récitation de poèmes et du jeu de divers instruments musicaux.
Le trait le plus frappant du style de Madura – le dernier d'une suite de styles méridionaux dits dravidiens – est bien une exubérance baroque, qui se traduit par l'extraordinaire surcharge décorative des piliers et la prolifération des scènes mythologiques sur les superstructures et que souligne une polychromie brutale. Il faut remarquer qu'un certain intérêt pour le portrait s'y manifeste aussi : les tailleurs de pierre se plurent à figurer auprès des divinités des rois et des dignitaires, sur ces piliers devenus des monuments autonomes par suite de la surabondance des éléments sculptés en très fort relief, animaux cabrés, personnages, allégories et thèmes symboliques ou ornementaux. De leur côté, les bronziers réalisèrent parallèlement à une galerie d'images divines une série d'effigies de saints shivaïtes (les soixante-trois Nayanar et l'auteur du Kural, célèbre recueil de maximes morales).
Tirumāl Nāyak, outre l'attention qu'il accorda aux édifices destinés au culte et aux pèlerins, éleva dans sa capitale un palais décoré dans le goût musulman, que l'architecture profane avait déjà largement adopté.
En 1732, la mort du souverain de Madura plaça sur le trône sa veuve Mīnākṣī. Quatre ans plus tard, le royaume divisé par le problème de sa succession subit les attaques du nabab d'Arcot. Emprisonnée par l'ennemi victorieux, l'infortunée Mīnākṣī mit fin à ses jours : cet événement sonna le glas de la royauté de Madura.
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Écrit par
- Rita RÉGNIER : chargée de recherche au CNRS, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet
Classification
Autres références
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DRAVIDIENS STYLES
- Écrit par Rita RÉGNIER
- 821 mots
Les mots sanskrits nāgara, vesara et drāviḍa, qui désignent dans les traités spécialisés des catégories de temples, sans toutefois s'accompagner de définitions précises, furent appliqués par J. Fergusson, un des pionniers de l'histoire de l'art de l'Inde, aux trois groupes de styles propres...
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INDE (Arts et culture) - L'art
- Écrit par Raïssa BRÉGEAT , Marie-Thérèse de MALLMANN et Rita RÉGNIER
- 49 040 mots
- 67 médias
...durent être rapportés en terre cuite pour éviter de compromettre dangereusement la solidité du bâtiment. On compte trois enceintes au grand temple de Madura, presque entièrement réalisé au xviie siècle, et les gopura extérieurs, aux arêtes légèrement concaves n'ont pas moins de 50 mètres de haut...